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des consolations qu’il vous a values et me recommande à ses prières...

Mais maintenant, il faut que je gronde l’amie de ses opinions absurdes et coupables sur la Pologne. Eh quoi ! très chère et très catholique amie, vous en êtes encore à voir la Révolution dans la cause polonaise, et cela malgré les témoignages solennels que le Pape a rendus à l’innocence, comme à la sainte infortune de cette nation ! Notez bien que, quand même le Pape aurait gardé le silence, la cause de la Pologne n’en serait pas moins pure et belle. Si c’est là la révolution, je vous déclare qu’alors, la révolution, c’est la justice et l’innocence. Mais qu’y a-t-il de plus vraiment révolutionnaire dans le sens le plus odieux du mot que la conduite des trois puissances qui ont partagé la Pologne ? Et vous, femme et mère chrétienne, vous vous laissez détourner de la sympathie passionnée qui devrait vous enflammer pour cette nation de martyrs, par je ne sais quels misérables préjugés que vous avez rapportés des salons de Vienne ! Ah ! très chère Comtesse, pardonnez la véhémence de mon langage, mais je ne puis rester calme en présence de cette monstrueuse prévarication et surtout de la complicité, plus ou moins indirecte, de tant de soi-disant royalistes et aristocrates avec la révolution couronnée. Dieu merci, nous n’en sommes plus là en France. A très peu d’exceptions près, tous les catholiques, tous les prêtres surtout, et tous les gens comme il faut sont pour la Pologne. Pourquoi n’en est-il pas de même en Autriche ? Parce qu’on y est honteusement compromis par la complicité de crimes commis, il y a bientôt un siècle.

Je suis bien impartial dans cette question, car la Pologne n’a jamais rien fait et ne fera jamais rien pour moi, je ne dois rien à aucun Polonais, ni à aucune Polonaise ; c’est le seul amour de la justice qui m’enflamme pour cette grande cause si indignement sacrifiée par l’Europe contemporaine.

Adieu, très chère Comtesse, j’ai renoncé comme vous à tout projet de voyage en Allemagne pour cette année. Je pars pour aller faire un petit pèlerinage à Emnedlen avec ma femme et ma troisième fille Madeleine.

Que je suis heureux de vous savoir mieux portante ! Mais cependant je désire bien que votre santé ou toute autre raison vous conduise l’hiver prochain à travers la France, en Italie, ou au moins l’été prochain en Allemagne, quelque part enfin où je