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Nous suivons toujours avec intérêt les affaires de la Hongrie, à l’aide du Pester Lloyd, quoique ce journal soit devenu d’une prudence excessive. Nous avons été horrifiés par ce suicide du Comte Hunyady, que nous avions vu à Pest et qui doit être le fils de celle chez qui vous avez été en nous quittant à Szabalz. Cette affreuse manie du suicide est à mes yeux le symptôme le plus effrayant chez vos chers compatriotes.

Je connais très bien la Via Sistina où vous demeurez maintenant, ayant demeuré moi-même dans la dernière maison de cette rue vis-à-vis de la Trinita dei monte, quand j’étais à Rome il y a bientôt trente ans !

Je vous engage à lire l’ouvrage de Dollinger : Kirche und Kirchen. C’est, à mon avis, le livre le plus remarquable qui ait été publié depuis bien longtemps. On n’a rien écrit de plus fort, depuis Bossuet, contre le protestantisme sous toutes ses formes ; et en parcourant avec lui le tableau de ce que sont devenues les Églises sans Pape, on frémit de joie d’être catholique romain. Mais sur l’origine, la nature et les infirmités du gouvernement des Etats romains, il n’est pas moins sincère et lumineux. Ce qu’il dit est la vérité vraie, et ce à quoi les catholiques substituent trop souvent une vérité de convention. Vous ne m’avez rien dit du sermon que je vous ai adressé, il y a quelque temps, sur l’éducation de vos fils : cela ne m’empêchera pas de recommencer en temps et lieu. Je vous conseille de leur faire lire l’Histoire romaine à Rome par M. Ampère : c’est un livre très original et très intéressant où les annales des premiers temps de Rome sont expliquées par les monumens romains. Vos jeunes gens y puiseront toutes sortes de renseignemens utiles et cela leur donnera du ton ; c’est ce qui manque le plus à la jeunesse de nos jours, surtout aux jeunes catholiques ! Chère Comtesse, pardonnez-moi mon ton, à moi, qui est celui d’un sermonneur ; c’est le défaut de la vieillesse et quelquefois de l’amitié ; vous ne sauriez douter de la mienne.


Paris, ce 9 mars 1862, 40, rue du Bac.

Faut-il vous l’avouer, chère Comtesse et amie, j’ai été sérieusement fâché contre vous. Il est bien que vous sachiez que, parmi mes nombreux défauts, j’ai celui d’être très défiant et très susceptible à l’endroit des choses du cœur. Pour tout ce qui touche la vie publique ou mondaine et les blessures qu’on y