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premier à convenir de ce que le spectacle offre de peu édifiant, mais il rappelle que la faute en est moins à une forme de gouvernement qu’aux vices essentiels de la nature humaine : « Dans les monarchies absolues, les intrigues de cour ne sont pas au fond moins laides et sont peut-être plus fréquentes encore. » Ce ne sont point les lecteurs des études de M. le marquis de Ségur sur le règne de Louis XVI qui s’inscriront en faux contre cette assertion.

Entre tant d’orateurs et d’hommes d’État qui se sont disputé pendant dix-huit années la maîtrise de la tribune et le gouvernement de la France, il en est deux auxquels vont manifestement les prédilections de Thureau-Dangin : Casimir Perier et Guizot. Casimir Perier, plus homme d’action encore qu’homme de parole, se vouant et s’usant à la tâche de restaurer l’autorité dans le régime créé par la révolution, matant l’opposition par ses sursauts d’indignation plutôt qu’il ne la domine par la supériorité de son éloquence ; Guizot au contraire, montant progressivement aux sommets de l’art oratoire, échauffant et colorant par degrés une parole châtiée et didactique dès le début. Conquis rétrospectivement par cette forme admirable, séduit aussi par la noblesse des convictions morales de Guizot, l’historien n’est-il point trop indulgent à la politique purement négative que, d’accord avec le Roi vieillissant, le grand ministre finit par ériger en programme et presque en dogme du parti conservateur ? Quoi qu’on en pense, de même que la magnificence oratoire de Guizot avait pu en imposer aux contemporains, l’ingénieuse et diserte sympathie de l’historien a fait accepter, elle fera encore accepter à bien des lecteurs l’apologie et même sur certains points le panégyrique du ministère de 1840-1848.

On a reproché non sans raison aux dirigeans du régime de Juillet d’avoir trop étroitement limité leurs préoccupations au « pays légal, » c’est-à-dire à la bourgeoisie, et d’avoir négligé les aspirations de l’âme populaire. Au début et à la fin de son œuvre, Thureau-Dangin a étudié l’éveil du mouvement démocratique après 1830, les progrès du socialisme avant 1848 : sans complaisance, mais avec une curiosité impartiale, avec sa remarquable lucidité, il a analysé les systèmes de régénération sociale successivement mis en avant, comme aussi les passions qui couvaient dans les foules.

Son tableau de la littérature n’a pas la prétention d’être