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prétendre se poser en arbitre infaillible, en protestant même de son incompétence, l’historien a résumé les souvenirs des combattans, les controverses de la tribune ou de la presse, en des pages animées, lumineuses, instructives, colorées du soleil d’Algérie, frémissantes de l’exaltation chevaleresque dont la tradition se renouait en cette croisade du XIXe siècle.

En matière religieuse enfin, il se trouvait au contraire sur un terrain dont les moindres replis lui étaient familiers. Sans doute, un sentiment infiniment respectable le portait à gazer le voltairianisme personnel de Louis-Philippe, à atténuer et parfois à contester d’impressionnantes analogies entre le « laïcisme » du gouvernement de Juillet et celui de la République opportuniste : mais il était trop épris de sincérité, trop pénétré du bien fondé des revendications catholiques, pour ne pas signaler la méconnaissance de ces revendications même par les hommes d’Etat placés le plus haut dans son estime. Son admiration revêt une nuance d’inquiétude et de mélancolie quand il retrace la fondation du journal l’Avenir, les imprudences mêlées aux générosités, les premiers symptômes de la sécession de Lamennais ; elle éclate en accens de fierté pour célébrer les débuts de Montalembert au Luxembourg, ceux de Lacordaire à Notre-Dame ; il sait juger Louis Veuillot en historien, et non en contradicteur de la veille ; quand il en vient à la lutte pour la liberté de l’enseignement, son récit, tout en demeurant très « objectif, » vibre pourtant de l’émotion des défaites tout récemment subies.

L’Histoire de la monarchie de Juillet contient une cinquantaine de portraits en pied, toute une galerie, où il est facile évidemment de reconnaître la manière de l’auteur, mais qui ne donne à aucun degré l’impression du procédé factice ni de la monotonie. Thureau-Dangin excelle en effet à marquer d’une épithète, d’une anecdote, d’une citation, l’allure physique et morale de chaque personnage, à la rendre inoubliable au lecteur, s’agit-il même d’acteurs de second plan. Nous ne risquons point, après avoir parcouru cette galerie, de confondre Mauguin avec Billault, Passy avec Sauzet, ni Dufaure avec Rémusat. Quant aux coryphées, Thiers, Guizot, Casimir Perier, Lamartine, Mole, Proudhon, le Duc d’Orléans, Bugeaud, les pages qui leur sont consacrées sont pour la plupart dignes de figurer à côté des modèles du genre. Le jour où l’on voudra composer, à la mode