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sacrifice de l’autel, la vie monastique, elle se rapproche de plus en plus de la discipline romaine, et se la propose ouvertement pour modèle.

Thureau-Dangin a fait une part dans son livre au mouvement ritualiste contemporain, qui ne cesse de se développer, malgré les intermittentes vexations venues tant du parti adverse que du pouvoir séculier ; il a longuement décrit dans le passé le mouvement « tractarien, » dont procède le ritualisme. Il a parlé avec une grave et déférente sympathie d’un Keble, d’un Pusey, ardens à prêcher le retour à la tradition des Pères, à éliminer les tendances protestantes, se refusant obstinément à accomplir la démarche décisive, à suivre dans la communion romaine leurs plus chers amis, leurs meilleurs compagnons d’armes.

Le lien entre les deux parties du sujet, c’est l’action et l’œuvre de Newman, qui mène le mouvement tractarien, qui meurt cardinal de l’Église romaine, et en qui pourtant l’Église anglicane actuelle reconnaît son rénovateur. Aussi bien, quand avant la vingtième page du premier volume on voit entrer en scène le jeune tutor du collège d’Oriel, à Oxford, le lecteur le moins informé ou le moins perspicace pressent, à l’émotion du narrateur, que ce nouveau venu dominera l’ensemble du livre. Faut-il rappeler les entretiens préliminaires avec Fronde et Pusey, la scène si touchante de la mort de mistress Pusey, la publication des premiers tracts, les sermons de Sainte-Marie, par où Newman a renouvelé la prédication anglaise, les inquiétudes et les résistances qui surgissent, les scrupules éveillés dans l’âme de Newman par l’étude même des Pères apostoliques, les cruels déchiremens de conscience, puis cette période d’anxieuse et méditative retraite à Littlemore, qui fait le pendant et comme la contre-partie de la retraite, grosse d’orages, de Lamennais à la Chesnaie : « Les disciples se bornent à considérer avec respect, et aussi avec une sorte de terreur religieuse, leur impénétrable maître, absorbé dans son mystérieux ouvrage, toujours debout à son bureau, où il écrit jusqu’à quatorze heures par jour. Ils ont raconté plus tard qu’il leur semblait pâlir et s’amincir chaque jour davantage, si bien qu’à la fin, quand il travaillait devant la fenêtre ensoleillée, on eût dit qu’il était devenu presque transparent. »

La destinée de Newman après sa conversion ne laisse point