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de divers agens de la commune, etc. Il est en relations fréquentes avec le conseil municipal et avec le directoire du district, qui ont, sur toutes sortes d’affaires, à se réunir au conseil général. Sa magistrature n’est pas uniquement consacrée à l’œuvre judiciaire, mais aussi à l’administration et à la politique.

Une affaire qui l’occupa singulièrement fut la célébration de Jean Grangier dit Barbefine et de Pierre Cailloud dit Lachenau. C’est toute une histoire, et si attrayante qu’il faut la conter par le menu. Le 8 décembre 1790, quand Joubert était encore à Paris et peu de semaines avant qu’il allât regarder, au chevet de Notre-Dame, la crue de la Seine, la petite Vézère, à Montignac, fit des siennes : elle déborda, elle inonda le voisinage, elle eut des flots de torrent déchaîné. Un enfant de huit ans, Joseph Faure, tomba dans l’eau. Il se noyait si un brave homme de pêcheur, Grangier dit Barbefine, ne fût monté dans sa barque et, au risque de chavirer tant la rivière était méchante, ne l’eût sauvé. Comme Grangier détachait sa barque et se lançait à son exploit, Pierre Cailloud se dévêtait et, nageur, s’apprêtait ; il n’eut point à se jeter : Grangier revenait, avec l’enfant. Voilà un simple et heureux sauvetage. Il émut les Montignacois. Et puis les Montignacois pensèrent à autre chose, notamment aux élections, qui les soulevaient comme la mauvaise saison la rivière.

Dans le courant de janvier 1791, l’on était, à Montignac et ailleurs, tout à la vertu : c’est le commencement des révolutions. Tout à la vertu, et tout au peuple, et tout à une sorte d’éloquence attendrie quant au peuple et à la vertu. L’on ne manqua point de penser au dévouement courageux de Grangier dit Barbefine. Les officiers municipaux de Montignac écrivirent aux administrateurs du Département : « La justice et l’humanité nous engagent à mettre sous vos yeux un événement qui a le plus grand droit à votre attention et à votre charité... » Charité : c’est un mot qu’on bannira du vocabulaire civique ; mais alors on est encore un peu obscurantiste, sans le vouloir... « Dans une forte inondation, un enfant de huit ans tomba dans la rivière. Plusieurs furent témoins de sa chute, sans qu’aucun osât ni pût lui donner le moindre secours. A leurs cris qui se faisaient entendre de toutes parts, le nommé Grangier dit Barbefine arrive, qui, vivement touché par ces lamentations et plus encore par la perte de ce pauvre enfant, entreprend de le