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acompte. On imagine la dispute des bonshommes, les aveux, les restrictions, l’embrouillement, et Joubert qui, faute de pièces démonstratives, arrête au passage les faits certains, les faits probables.

Sauf pendant une partie du mois de novembre 1791, où il est absent, — je ne sais pas où il est ; et alors Tardif, l’assesseur, fait fonction de juge de paix chez lui-même Tardif, — Joubert a constamment à examiner ces petites histoires insignifiantes et tatillonnes. Il s’y montre soigneux de joindre la douceur à l’équité. Par exemple, Pierre Blanc réclame à Fontaine vingt livres, pour du bois dont il a prouvé la livraison. Et Fontaine reconnaît avoir acheté ce bois, l’avoir reçu, devoir vingt livres ; mais quoi ? l’ « état de sa fortune » ne lui permet pas de s’acquitter avant la Saint-Martin. Joubert le condamne à payer dans les quarante jours. Et c’est charmant, parce que nous sommes le 2 octobre et que la Saint-Martin tombe le 11 novembre, tout juste dans quarante jours. Ainsi Fontaine payera quand il avoue qu’il peut le faire.

Les plaideurs vont et viennent. Il y en a qu’on revoit sans cesse, tantôt demandeurs et tantôt défendeurs. Ainsi le notaire Vignal, à qui Jean Julia réclame treize livres. Il fait défaut : on le réassigne. Le voici : et il est condamné à payer les treize livres, plus les dépens. Un peu plus tard, le voici encore. Il réclame vingt livres à Jean Perrier. Et c’est donc Jean Perrier qui fait défaut : le notaire Vignal en profite.

Si les débiteurs ne se gênent pas pour manquer à l’appel de leur nom, les assesseurs aussi en prennent à leur aise. Les plaideurs sont là ; l’un d’eux est, en personne, M. le maire. Ils ont affirmé, l’un ceci, l’autre cela. Il s’agit de dresser procès-verbal de leurs dires. Et il manque l’un des assesseurs. On l’attend. Il ne vient pas. Que faire ? Joubert s’adresse aux parties, leur demande si elles tiendront pour valable un procès-verbal signé de lui et d’un seul assesseur. — Oui, répondent-elles. Joubert leur fait signer cet engagement. Et il juge avec un assesseur ; voilà tout.

Les femmes sont très occupantes. Les femmes et les filles. Un jour, c’est la demoiselle Michel qui vient trouver Joubert et le prie d’enregistrer sa déclaration de grossesse. Elle dénonce « pour auteur » François Clédat, qu’elle accuse « de l’avoir séduite sous promesse de mariage après quatre années de fréquentation