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fusils dissimulés dans les hautes herbes, ils avaient dégringolé en désordre, emportant des blessés et des morts.

Maintenant, rassemblées sur le plateau, les troupes reprenaient haleine en grignotant le traditionnel repas froid. L’ennemi avait disparu, découragé. Imbert rayonnait. Les pertes, réduites à trois blessés, étaient assez légères pour rendre invraisemblable un reproche de témérité irréfléchie : « La leçon est dure pour les voisins, lui dit Merton, heureux lui aussi de ce dénouement bénin. Elle pouvait nous coûter plus cher, et nous nous en tirons à bon compte. »

Le prestige du Zaïani sortit fort diminué de cette aventure. Ainsi le grand caïd n’avait pu sauver de la ruine et de la mort les douars qui s’étaient confiés à ses promesses. Il n’avait pas osé lancer à fond sa mehallah contre les troupes de Sidi-Kaddour qui étaient venues le narguer en bombardant ses protégés. Cette inertie peureuse semait la discorde dans les guerriers et jusque dans la famille du Zaïani. Chaque chef, racontaient les émissaires, voulait désormais agir pour son compte et Moha-ou-Ammou était réduit à chercher dans un coup de main désespéré le rétablissement de son autorité. Mais leurs tentatives décousues ne pouvaient plus aboutir qu’à des échecs sanglans. Le Zaïani, qui s’était risqué en personne dans une reconnaissance préparatoire à l’assaut de Sidi-Kaddour, dont il faisait annoncer partout l’imminence, devait s’enfuir en toute hâte devant une poignée de Sénégalais et de goumiers que le lieutenant d’artillerie, en tournée sur le plateau, lançait à ses trousses après avoir criblé sa nombreuse escorte d’obus bien ajustés. Le lendemain, les fidèles des Bou-Acheria secondés par un lot important de Zaïan essayaient de repousser les partisans qui pillaient leurs silos encore intacts sur le plateau Zaër. Ils tombaient sur les mitrailleuses et une compagnie de marsouins, et ils fuyaient dans une retraite précipitée, non sans avoir abandonné des fusils, des morts et des blessés aux partisans. Découragé par ces mésaventures, Moha-ou-Ammou comprit enfin qu’il ne pourrait jamais entamer le bloc Zaër, ni parader en assiégeant redouté devant un Sidi-Kaddour réduit à l’impuissance. Peu à peu ses contingens l’abandonnaient, lassés d’une attente sans gloire qui n’était pas exempte de dangers. Un orage subit qui transforma pour quelques heures le Grou en torrent impétueux lui fournit à propos un prétexte honorable de départ. Après une