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Mozart, un Beethoven, au nombre et au niveau des plus beaux exemplaires de l’humanité, c’est-à-dire des plus grands esprits et des plus grandes âmes.

Ce progrès de notre art dans la considération, dans l’admiration de la foule, et de l’élite, toute une littérature musicale (historique et critique) en est à la fois la cause et l’effet. Elle l’a suscité, mais, à son tour il l’a servie. Plus on a goûté la musique, et mieux on a souhaité de la connaître, ou de la « savoir. » Ainsi notre époque a vu s’élever, dans l’ordre musical, je ne sais quelle émulation, profitable également à l’une et à l’autre, entre la connaissance et l’amour. De ce double courant, une surabondante bibliographie rend assez témoignage. On y relèverait quelques œuvres insignes, diverses par les dimensions comme par le genre, ou l’esprit : depuis le Beethoven, déjà ancien et toujours admirable, de M. Romain Rolland, jusqu’à la récente et précieuse Jeunesse de Mozart (par MM. de Wyzewa et Saint-Foix), en passant par l’étude extrêmement originale de M. André Pirro : L’Esthétique de Jean-Sébastien Bach et le beau livre de M. Amédée Gastoué : Les Origines du chant romain. Que l’on ajoute seulement à la production « livresque, » dont nous citons à peine quelques échantillons, l’appoint des revues spéciales qui se multiplient, et de telles collections, heureusement concurrentes, comme celle des Musiciens célèbres et celle des Maîtres de la musique, alors, non sans étonnement, on pourra mesurer la distance entre les musiciens que nous étions naguère, et ceux que nous sommes devenus.

Symptôme d’un mouvement et d’un progrès, le livre de M. Collet est encore, ne fût-ce que par son titre, un hommage à des idées, ou plutôt à l’idée, souvent débattue et combattue, du pouvoir, si ce n’est de la nature expressive de la musique. « Mysticisme musical, » rien que l’alliance de ces deux mots proclame ou rappelle non seulement le droit, mais l’aptitude et la vocation particulière de la musique à l’expression des sentimens, à la manifestation de la sensibilité. Au surplus, si ce n’est pas là toute la définition de l’art en général, c’en est au moins l’objet par excellence, et sans lequel il n’y aurait pas d’art, il n’y en aurait jamais eu. Le regretté Charles Lévêque avait trouvé, si nous avons bonne mémoire, une formule heureuse : « La musique est le rapport entre les forces du son et les forces de l’âme. » Aux siècles de foi, la force religieuse, et, plus précisément, la force mystique de l’âme a été l’un des deux termes de cette relation, l’autre terme en étant d’abord le chant grégorien, puis la polyphonie vocale. Que cette dernière forme, en Espagne, au XVIe siècle, ait réalisé l’expression la plus