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admirable à la fin de la guerre contre la Porte : on sait avec quelle imprudence elle l’a gâtée. A qui la faute principale en revient-elle ? M. Danef, puis le général Savof affirment que c’est le roi Ferdinand qui a donné l’ordre formel d’attaquer la Serbie et la Grèce. Il y aurait peu de générosité à accabler aujourd’hui un homme malheureux, mais, si les révélations de M. Danef et du général Savof sont exactes, il faut convenir que le Roi est l’auteur de son infortune. Le bruit a couru qu’il était à la veille d’abdiquer, et la nouvelle n’a pas paru tout à fait invraisemblable. Une dynastie étrangère importée dans un pays ne s’y maintient qu’à la condition de lui procurer toujours des avantages et des succès. C’est ce que le roi Ferdinand avait fait pour la Bulgarie jusqu’à ces derniers temps. Il diffère trop de ses sujets pour qu’il y ait jamais eu une sympathie véritable entre eux et lui, mais le même intérêt les rapprochait. En est-il de même aujourd’hui ? Le roi Ferdinand sera dans l’histoire un exemple mémorable des vicissitudes humaines. On a pu croire un moment qu’il entrerait vainqueur à Constantinople et qu’il y fonderait un nouvel Empire : il est aujourd’hui à Vienne, troublé, incertain, bien lent à rentrer à Sofia où son absence commence à étonner. Il semble qu’il attende ou qu’il craigne quelque chose. On voit bien ce qu’il peut craindre, on ne comprend pas ce qu’il attend.

L’exposé que le comte Berchtold vient de faire à la Délégation hongroise de la politique qu’il a suivie, au cours des derniers événemens, dit peu de chose de la Bulgarie. « La Bulgarie, y lisons-nous, a heureusement surmonté sans ébranlemens intérieurs les revers de fortune qu’elle a subis malgré les exploits de sa vaillante armée. Toutefois, l’affranchissement national espéré par les populations n’a pas été réalisé partout. Il en est de même d’ailleurs du résultat de la paix de Bucarest, ainsi que de celui de la Réunion des ambassadeurs à Londres. De vastes territoires homogènes dans leur nationalité ont été placés sous la domination d’États de même race, mais parlant une autre langue, et les méthodes d’assimilation sommaire souvent pratiquées paraissent être de nature à produire une excitation défavorable au maintien de la paix. » Ce passage de son exposé n’est pas d’une clarté lumineuse ; on y voit seulement que le comte Berchtold, ayant éprouvé lui-même quelques déceptions, aime à énumérer celles des autres et qu’il estime que la situation dans les Balkans n’offre pas encore une solidité parfaite. A-t-il voulu, en le disant, encourager les espérances des Bulgares ? A-t-il voulu plutôt entretenir les siennes ? Cette seconde interprétation est sans doute la vraie. Cependant le