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avait apporté, de cette ville jusqu’à Charenton, six paniers de truffes, deux bannettes d’artichauts de Gênes et un baril d’huile. Le fermier général des messageries de Lyon fait saisir ces denrées et condamner le courrier à 300 francs de dommages-intérêts. Dommages-intérêts et amendes sont aussi infligés aux coches d’eau de Nogent, pour avoir voiture « des marchandises de poids » venant de Montereau, au préjudice des coches d’eau de Montargis qui seuls étaient fondés à faire ce transport ; car ces monopoles, strictement limités, empiétaient volontiers sur les domaines les uns des autres.

Turgot mit fin à ces heurts, à ces querelles, à ces procès, en supprimant toutes les entreprises particulières (1775). La réforme était depuis longtemps dans l’air. Plusieurs de ces privilèges avaient été concédés gratis ; de ceux qu’il avait vendus à diverses époques le Trésor avait tiré des sommes dont le total modeste atteignait environ 2 millions de francs. On calculait en 1765 que leur produit net annuel montait à 1 500 000 francs, dont 800 000 constituaient le bénéfice des fermiers.

Ces chiffres, probablement un peu inférieurs à la réalité et auxquels il conviendrait d’ajouter le produit de la poste aux chevaux, n’en sont pas moins intéressans par contraste avec les 1 700 millions de francs, produits globaux de nos chemins de fer actuels. Même après l’établissement du monopole exclusif des Messageries, le bail de cette ferme générale, dans les dernières années de l’ancien régime, n’était que de 2 200 000 francs, et il en fut fait un autre au même prix en 1788, pour neuf années, que la Convention interrompit en décrétant d’abord la régie des transports par l’État, puis leur liberté complète.

Ce service des diligences, qui nous paraît si mesquin en 1789, aurait fait l’admiration des sujets de Louis XIV cent ans plus tôt (1691), lorsqu’il n’y avait qu’une voiture hebdomadaire à destination des plus grandes villes, sauf Strasbourg, Bruxelles et Lyon pour lesquelles le carrosse partait deux fois par semaine. A la veille de la Révolution, la diligence était devenue quotidienne pour Lyon ; Bordeaux avait le samedi une berline à 8 places, taxées 270 francs chaque, nourriture comprise, et 187 francs sans nourriture. Cette berline était le « rapide » de l’époque ; on y payait la vitesse. Pour les bagages aussi le « chariot » prenait 1 fr. 80 le kilo « eu égard à la diligence de la route, » — il mettait 10 jours, — tandis que le « carrosse, »