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rassemble au hasard trois quadrupèdes, d’ailleurs incapables de service, et quelques mauvaises selles pour simuler l’écurie qui doit justifier son titre et son privilège. Par ces documens officiels, nous apprenons combien sommaire était encore l’organisation de ce temps-là.

Elle ne laissait pas de souffrir déjà des vices inhérens à toute entreprise de transport, et nos contemporains qui déplorent la disparition fréquente des colis-postaux de gibier, confiés aux compagnies de chemins de fer, liront sans étonnement que, dès 1702, les postillons de la route de Verdun volaient les gelinottes que les pourvoyeurs du Roi faisaient venir de Lorraine pour Sa Majesté.

On s’explique, d’après ce qui précède, que parfois, sur les meilleures routes postales, lorsque le voyageur pressé arrivait au relais, l’écurie se trouvât vide ; il obtenait, en payant doubles guides au postillon, de continuer avec le même attelage en « brûlant un relais. » Si la même pénurie se reproduisait, comme un postillon ne pouvait, aux termes du règlement, être forcé d’aller plus loin, il fallait attendre dans un bourg perdu et dans une mauvaise auberge. Cette absence des chevaux est liée aux péripéties usuelles des romans d’aventures au XVIIIe siècle. L’amoureux qui enlève sa belle ou le personnage qui veut se soustraire aux recherches, enlève aussi les chevaux d’une ou de deux postes, pour arrêter ceux qui le poursuivent. Pour faire perdre sa trace, il renvoyait les chevaux en plein champ et allait reprendre une autre poste transversale.

Seuls les courriers des malles de lettres, marchant nuit et jour, trouvaient à n’importe quelle heure un postillon de garde qui les attendait avec des chevaux tout sellés ; ce courrier prenait dans son a briska, » à côté du poisson dont il faisait commerce, un compagnon ainsi transporté rapidement à prix réduit. Plus tard, il disposa d’un coupé à trois places, toujours retenu longtemps d’avance, et occupait lui-même avec ses dépêches le « cabriolet » avant ; tel le « courrier de Lyon » assassiné en 1796. Sous le Consulat, an IX, les recettes faites dans les voitures-malles montèrent à 240 000 francs.

Les voyageurs qui ne voulaient pas peintre de temps au relais se faisaient précéder d’un postillon à cheval, ayant mission de veiller à ce que tout fût prêt à leur arrivée ; les autres en étaient quittes pour réveiller le maître de poste, dont la femme