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et même un peu de rêve. Il se peut et cela d’ailleurs ne serait pas pour nous déplaire. C’est donner une ébauche d’existence aux choses qui paraissent impossibles que de les définir à soi-même et aux autres ; plus d’une dans le passé, non des moindres, n’aurait jamais été faite s’il ne s’était pas rencontré des naïfs pour commencer d’en parler. Et puis, n’est-ce pas de l’action, déjà très efficace, que d’affirmer son optimisme et de raconter son rêve, si c’est un rêve de beauté ?

Nous sommes optimiste parce qu’il y a dans la race des réserves de richesse morale incomparables qu’on n’utilise pas et qu’on pourrait utiliser. Nous le sommes encore parce que bien des choses ont été mal faites, mal adaptées, qu’on pourrait reprendre et faire mieux : il en vaut la peine et c’est une question de vie ou de mort. Mais notre optimisme repose sur une raison plus générale et plus profonde, il sort d’une source plus intime, plus riche et plus chaude.

Le premier de tous les optimismes n’est-il pas l’instinct de la vie, l’horreur de la mort, la joie et l’orgueil de vivre ? Le vouloir-vivre est l’optimisme pur et immédiat : de lui procèdent tous les autres. Il est le désir, la curiosité, l’attente de ce qui sera, l’espérance subconsciente et continue, parfois contre toute vraisemblance, que l’avenir vaudra mieux que le présent, que demain sera plus beau qu’aujourd’hui ; il est à la racine même de notre être ; aucun effort de conscience ne peut descendre plus profondément. Une foule de circonstances le favorisent ou lui sont contraires. Rien ne le précède et ne l’explique. Il est, puisque nous vivons, précise expression du mystérieux consensus par lequel des millions de cellules se sont un jour réunies, associées, concertées, disciplinées pour une œuvre commune, comme pour réaliser l’idée de vie sur le point infiniment petit que nous représentons. Il est notre raison de vivre et, quand nous ne l’avons plus, le grand danger n’est pas loin.

En revanche, si nous le sentons toujours en nous, malgré des signes qui peuvent faire croire à son fléchissement, notre salut est certain parce que c’est lui qui nous sauvera. Ne cherchons pas trop à savoir comment il s’y prendra pour le faire. Il ignore à l’avance ses moyens, mais, au moment décisif, il en trouvera qui nous étonneront par leur précision. L’optimisme vital est instinct, c’est-à-dire source d’un effort qui s’éclaire tout seul et porte en lui le sens de sa direction. Nous sommes loin