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parlementaires traitent ce qui est sublime avec des moyens de basoche. La situation demeure effroyable. Chaque jour, nous perdons une Joconde française.

Pour vous en assurer, jetez les yeux sur l’inventaire que j’ai dressé de notre ruine, regardez le Tableau des églises qui s’écroulent[1], une partie de mes dossiers, une partie des documens qui me sont arrivés de tous les points de la France et sur lesquels j’ai fondé ma campagne. C’est une collection de faits, sans commentaire. Je donne le nom du village où meurt une église, la réparation la plus urgente qu’elle réclame et le montant de la dépense indispensable. Rien de plus. Je n’aborde pas la série des pourquoi et des comment. Pourquoi les églises croulent-elles ici et non ailleurs ? D’où vient que certains diocèses fléchissent et que d’autres résistent ? Est-il donc en France des territoires que le catholicisme n’a pas imprégnés, où il ne s’est pas confondu avec les élémens indigènes, où il demeure un étranger subi et sourdement repoussé ? Je ne me flatte pas de pouvoir répondre à ces grandes interrogations. J’apporte seulement quelques données pour les résoudre et surtout la preuve patente du désastre.

J’ai relevé douze cents églises que la commune propriétaire ne peut pas ou ne veut pas entretenir et qui demandent, sous peine de mort, des réparations immédiates. Cette monotone énumération de toitures, de plafonds, de façades, de voûtes, de nefs, de chœurs, de chapelles qui crient misère, constitue un des chapitres les plus tragiques de l’histoire de la civilisation dans notre pays.

Est-il exact mon tableau ? Oui. Est-il complet ? Non. Je suis loin d’avoir connu tous les cas, toute l’étendue du désastre. Je cite les églises dont j’ai entendu l’appel, celles qui voudraient vivre et qui, si nul n’intervient, vont mourir. Il en est d’autres, tout aussi menacées, dont la plainte ne m’est pas arrivée ; d’autres enfin qui ont passé cet état où on lutte encore, où l’on a la force de jeter un appel. Combien ne sont déjà plus que des cadavres et gisent abandonnées des hommes ! Dès aujourd’hui, parcourez maintes régions des provinces françaises. A chaque pas, vous trouverez une voûte ruineuse dont l’entrée est interdite par arrêté de M. le Maire. Le culte a été supprimé, l’église

  1. Gigord, éditeur, 15, rue Cassette, Paris ; une brochure à 25 centimes.