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ici même[1] le savant qui l’a découverte, M. Charles Richet, en quoi consiste ce phénomène : fréquemment une première injection d’un sérum quelconque sensibilise l’homme ou l’animal qui la reçoit au point qu’une seconde peut être suivie d’accidens graves et quelquefois mortels. C’est ce qu’on appelle la maladie des sérums. C’est là un phénomène exactement contraire du mithridatisme, dans lequel des injections toxiques produisent une accoutumance progressive qui rend supportables des doses de plus en plus massives. M. Richet a consacré à cette question des recherches pénétrantes, — qui lui ont valu, il y a quelques semaines, le prix Nobel, et n’ont pas peu contribué à son élection à l’Académie des Sciences, — et qui ouvrent sur la physiologie des aperçus nouveaux. Il a montré en particulier que les substances qui produisent l’anaphylaxie sont des colloïdes, tandis que le mithridatisme se produit avec les cristalloïdes (nous avons déjà expliqué ici ces termes)[2].

M. Beredska a fait à l’Institut Pasteur des recherches ingénieuses et patientes sur ce phénomène, à la suite desquelles il a obtenu le moyen de mettre les sujets à l’abri des accidens anaphylactiques qui suivaient naguère si souvent l’administration des sérums : ce moyen consiste à donner ceux-ci par la méthode des injections subintrantes, c’est-à-dire en plusieurs fois et à de courts intervalles. Ainsi s’est trouvée améliorée notablement, et pour le plus grand bien des malades, la technique de la sérothérapie générale


Telle est l’orientation des recherches qui, dans les services relevant de M. Metchnikoff, ont été menées à bien ces dernières années. Elles ne constituent qu’une partie de l’activité générale de l’Institut Pasteur. Il nous reste maintenant à passer en revue ce qu’on a fait dans ce temple de la pensée pastorienne pour l’atténuation des trois grands fléaux morbides qui étiolent l’humanité : la tuberculose, la syphilis et le cancer ; et pour le soulagement des autres maladies microbiennes ou toxiques, au premier rang desquelles est la diphtérie tant détestée des mères. Et il apparaîtra sans doute que nulle part on ne forgea contre la douleur humaine des armes plus belles et plus intelligentes, que dans ce grand arsenal où la pensée se fait acte, où la charité coiffe son doux visage du casque de Minerve, où l’on ne veut rien combattre que l’injuste souffrance, et tuer crue la Mort.


CHARLES NORDMANN.

  1. Voyez la Revue du 15 novembre 1911.
  2. Voyez la Revue du 15 novembre 1911.