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l’évocation de Kundry par Klingsor et leur obscure conversation. Plus accablante encore, parce que plus longue, la scène de la séduction inutile. Il y a décidément, dans le théâtre de Wagner, un élément, ou plutôt un genre fatigant entre tous, et c’est le genre narratif. Déliez-vous, dès qu’un personnage wagnérien se met à raconter une histoire. Au second acte, c’est le cas de Kundry ; dès le premier tableau, c’est le cas de Gurnemanz, le vieil et bavard écuyer. Que dis-je ! ils font plus que s’y mettre l’un et l’autre, ils s’y complaisent interminablement. Et puis, dans cette musique même, dans l’organisme ou le système de cette musique, voici que les abus, les excès, nous deviennent ou nous redeviennent sensibles, quand ce n’est pas odieux. Par exemple, il reste entendu, lui-même ayant pris soin de nous le dire, que Wagner a précipité le torrent de la symphonie dans le lit du drame lyrique. Mais d’aucuns se demandent aujourd’hui si le torrent n’aurait pas débordé les rives. Tout en croyant rétablir l’équilibre entre les forces diverses que le drame lyrique associe : musique et paroles, orchestre et chant, instrumens et voix, Wagner n’a peut-être fait que le rompre à sa manière, ou du moins que l’ébranler. L’édifice ne penche plus du même côté que naguère, mais il penche, pour avoir été redressé trop rudement. Une forme enfin, ou plutôt une formule du génie wagnérien commence à nous peser lourdement. C’est le leitmotif. Autant qu’un élément d’expression et de psychologie, nous y croyons peu à peu découvrir un principe de contrainte et de monotonie, de convention et d’artifice à la fois. Nous rêvons d’une beauté plus simple et plus libre. Plus brève également, oh ! surtout plus brève. Il ne faut pas quatre ou cinq heures pour entendre un Orphée, un Don Juan, un Freischütz, où cependant il y a des choses fort agréables. Je crains qu’un Parsifal ne soit au-dessus des forces humaines, ou tout au moins des forces françaises. « L’art n’a pas de patrie. » Et encore ! Mais certaines œuvres d’art en ont une. La France ne sera jamais la patrie, même adoptive, de Parsifal tout entier.

Elle a fait de son mieux pour le recevoir et le traiter à l’Opéra. Ce n’est pas un hôte commode. L’interprétation, musicale et dramatique, plastique aussi, du principal rôle, est des plus malaisées. Le héros doit constamment se tenir entre l’innocence et la niaiserie, entre l’ange et la bête. La mesure est difficile à garder. M. Franz n’y a pas trop mal réussi. La voix de ce chanteur est, comme sa corpulence, extrêmement forte. La voix de Mlle Bréval (Kundry) est plus faible ; mais le silence de l’artiste, ses attitudes, ses gestes, ne sont pas sans beauté. La diction de Parsifal, et surtout celle de Kundry, ne nous laissa pas