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VIEUX MAÎTRES ESPAGNOLS
À LONDRES

Le peintre David Wilkie professait le culte de Velazquez. Chaque jour, en 1825, durant son séjour à Madrid, il venait s’installer devant le tableau des Buveurs, demeurait là deux heures dans une contemplation profonde ; après quoi, n’en pouvant plus d’admiration, il prenait son chapeau et s’en allait en faisant : « Ouf ! » Ce trait me revenait en mémoire aux Grafton Galleries où, pour quelques semaines encore, se trouve réuni un éphémère Prado. L’Angleterre, en fait de collections, a toujours été fort hispanisée. Pour la peinture, au moins, tout ce qui n’est plus en Espagne est aujourd’hui à Londres. Il valait la peine, au moment où l’Espagne revient à la mode chez nous, de saisir l’occasion qui se présentait d’étudier ce que les galeries anglaises ont à nous en apprendre ou à nous révéler.

La chose était pour nous d’autant plus curieuse qu’une grande partie de ces richesses nous a appartenu. Elles s’appelaient alors le Musée espagnol du Louvre, et la Galerie Soult. L’Espagne des Alhambras, des gitanes, des églises mauresques, des califes et de don Juan, le Musée espagnol installait cela en plein Paris. L’effet en fut nouveau et grand. Il faudra écrire quelque jour cette histoire mal connue, ce qui se passa là du mouvement d’esprit qui prépare la seconde moitié du dernier siècle. De là sortent Courbet, Manet. Là Théophile Gautier médite son España, et le jeune Renan de l’Avenir de la Science promène devant les Zurbaran ses rêveries sur l’histoire