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la littérature à laquelle il a dernièrement donné naissance. La partie en gros utilisable, pendant du Tell et des plateaux d’Algérie, et qui s’étend du Grand Atlas et de la vallée de la Moulouya à la mer, peut avoir 200 000 kilomètres carrés, un peu plus du tiers de la France. Et nous venons de voir ce qu’il fallait en déduire de terres très légères, incapables d’appeler l’immigration européenne et destinées sans doute à ne jamais nourrir qu’une poussière de bergers indigènes. Les travaux du génie moderne en retenant les eaux de l’Atlas permettront sans aucun doute d’étendre les superficies cultivées du Haouz, œuvre nécessairement lente sans doute, dont les progrès seront suivis par l’augmentation naturelle de la population des horticulteurs du Sud, plus aptes d’ailleurs à utiliser les irrigations que la plupart des immigrans européens. Les terres noires de l’Ouest peuvent attirer ceux-ci, partout où leur épaisseur permet d’appliquer avec profit les méthodes et les instrumens plus forts de la culture européenne. Mais l’élément indigène y est déjà assez nombreux. Le recensement de la Chaouia a révélé 18 habitans au kilomètre carré, densité appréciable pour un pays purement agricole. C’est la plaine du Sebou et les régions de collines qui le bordent à l’Est, c’est le Rharb qui la continue au Nord jusqu’à la frontière espagnole qui seuls doivent appeler un contingent sérieux de cultivateurs immigrés. Mais la plaine du Sebou n’a que 400 000 hectares ; les belles régions qui l’entourent peuvent la doubler, la tripler même, lui ajouter 800 000 hectares d’une valeur du reste moins continue que celle de la plaine de grasses alluvions. Ce ne sera qu’un total de 1 200 000 hectares : le département de Seine-et-Oise en couvre 560 000. De son côté, la zone entière des tirs de l’Ouest, dont il faudrait déduire une appréciable proportion de bandes où le calcaire affleure, peut s’étendre sur 2 millions d’hectares environ. Ce n’est donc pas une immensité, ni un pays vide d’habitans, si peu nombreuse que soit sa population, que le Maroc ouvre à la colonisation européenne appelée à fournir beaucoup plus des états-majors que le gros des contingens agricoles.

L’agriculture ne sera certes pas tout dans le Maroc de demain. Il faudra beaucoup de bras, dont une partie viendra du dehors, à l’industrie et aux travaux publics. Et même ceux-ci, s’ils étaient poussés très vite et dans un souci de succès économique exclusif de toute préoccupation relative au peuplement