Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/869

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

professeur recommande à son élève de soigner l’arithmétique comme vœu suprême et en manière de testament : le cas est rare, et un peu suspect. Le problème douloureux de l’indiscipline, qui fait de certains d’entre eux de véritables victimes, est résolu de façon simpliste ; un jour qu’un suppléant débonnaire est le jouet de ses écoliers, le bon Garrone se lève, menace ceux qui troubleront l’ordre, et le maître règne par enchantement sur sa classe pacifiée. — Les parens sont bons : le lecteur voudrait presque en trouver qui fussent antipathiques, pour qu’ils ne ressemblassent pas à tout le monde. Il admet difficilement que Precossi, l’ivrogne invétéré, cesse de battre femme et enfans, et devienne le modèle des pères de famille, parce que son fils a gagné la médaille. Un condamné, qui a purgé six ans de prison, apparaît dans le récit comme étant un fort honnête homme ; tout au plus se montre-t-il un peu ombrageux. — Les enfans sont bons. Un seul, sur cinquante, est incorrigible, aussi se voit-il expulsé de l’école, et du livre, où il n’est vraiment pas à sa place. Mais auparavant, il est battu en combat singulier par un garçon moins fort que lui, qui a le bon droit de son côté ; justice est faite. Enrico a quelques défauts ; il lui arrive de manquer d’égards envers sa mère, ou de répondre mal à son père. Cependant nous ne le surprenons jamais en train de commettre une mauvaise action ; nous ne connaissons ses méfaits que par la remontrance qui les suit, et le ferme propos de ne plus recommencer. Ce portrait de l’humanité est flatté ; et ce cœur est trop bon.

Tant mieux. Il s’agit d’un livre d’éducation : une notation plus sévère de nos travers et de nos vices serait sans doute plus conforme à la réalité, mais moins belle et ici moins utile. La tendance ne deviendrait dangereuse que si le livre, pour vouloir être moral, risquait d’être ennuyeux : en réalité, il est d’un bout à l’autre passionnant. C’est un procédé habile que de découper le récit en une série de scènes dont chacune forme un tout : car il permet à l’auteur de ne rien dire qui ne soit digne d’être dit, de supprimer les préparations et les transitions, et de tenir toujours la curiosité en haleine. C’en est un autre, que de faire parler le plus souvent l’écolier lui-même ; parfois son père ; parfois sa mère ; parfois, — apparition discrète, et à peine entrevue, — sa sœur ; et que d’augmenter encore cette variété par des récits qui introduisent dans