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Et c’est une torpeur trop forte
Que parfois nous verse l’été,
Car toute chose est comme morte,
Et le jardin comme enchanté !

…Sur l’étang de nacre et de jade
Les blancs nymphéas se sont clos…
— Mon âme orageuse et malade,
Je n’irai plus au bord de l’eau.




— Soleil, soleil, vous dispersez
A travers les rameaux blessés
Par l’Automne aux rigueurs naissantes
Vous dispersez votre trésor,
L’essaim muet des guêpes d’or
Lumineuses et frémissantes.

Soleil, vous dont l’Aube a rêvé,
Pour vous accueillir, j’ai levé
Mes mains en forme de corbeille ;
Vous glissez le long de mes doigts…
Sur le sable, à mes pieds, je vois
L’ombre mince qui m’est pareille.

Je vous offre tout ce que j’ai,
Soleil, — le jardin négligé,
Le mur vêtu d’un lierre triste,
La vigne où pend un raisin noir,
Et la terrasse, et ce miroir, —
L’étang d’opale et d’améthyste !

Parmi les nymphéas déclos,
Jouez, soleil, jouez dans l’eau
Que ride une brise, au passage…
Jouez I Ce miroir est à moi,
Et j’irai voir dans son œil froid,
Nimbé du vôtre, mon visage !