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a dessiné avec beaucoup d’art la physionomie de l’infortunée et non résignée Frédérique.


Dans Francfort autrefois vivaient cinq messieurs qui avaient fait dans une maison de la Judengasse de belles affaires de banque. Leurs affaires s’étant étendues, ils avaient fondé des succursales à l’étranger et étaient allés s’établir dans les diverses capitales de l’Europe. Le jour où l’aîné de ces messieurs, le chef de famille et de banque, Salomon, leur donne rendez-vous dans la vieille maison familiale où vit toujours l’aïeule, ils ne doutent pas que ce ne soit pour une nouvelle d’importance. Ils ont bien deviné : c’est pour leur annoncer qu’ils sont nommés barons. Comme les cadets de Gasgogne, ils sont tous barons. Un bonheur ne vient jamais seul. Le grand-duc a besoin d’argent. Salomon se propose de lui en prêter, à condition qu’il épousera, lui grand-duc, la fille et nièce de ces messieurs de Francfort. Le grand-duc trouve la proposition un peu insolente ; mais n’ayant d’ailleurs pas d’autre moyen de sortir de l’embarras où sont les finances du vieux duché, il vient à la Judengasse demander la main de la jeune fille… qui refuse. Les prestiges de la naissance ne l’éblouissent pas et elle leur préfère de bonnes réalités sonnantes et trébuchantes. C’est une jeune fille sérieuse. Cette histoire d’argent et d’amour, ce joyeux conte de fées où brillent et tintent gaiement les écus, est mis à la scène avec une bonhomie et une lenteur qui reposent d’autres spectacles moins rassis, moins innocens, moins familiaux, et ces qualités de tout repos en ont fait le succès chez nous comme à l’étranger.

M. Guitry et M. Lugné Poë sont l’un et l’autre du comique le plus différent et le plus divertissant. La pièce est montée avec goût. Décors, costumes, accent, tout s’harmonise en un ensemble pittoresque et savoureux.


RENE DOUMIC.