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et accentuée. Il n’en a pas moins fallu de longs jours aux Puissances de la Triple Alliance pour prendre à leur égard une décision qui, au moment où nous écrivons, n’est pas encore connue parfaitement et complètement. Si nous en croyons une dépêche de l’agence Reuter, les Puissances tripliciennes ont accepté assez vite de faire une démarche à Athènes, mais elles ont paru n’avoir pas compris, ou avoir oublié, que sir Ed. Grey avait proposé d’en faire en même temps une autre à Constantinople, et il a fallu sans doute le leur expliquer d’une manière plus précise. Les deux démarches sont liées ; l’une ne saurait aller sans l’autre ; la France, l’Angleterre et la Russie ne consentiraient pas à en faire une auprès du gouvernement hellénique, si l’autre ne devait pas se faire parallèlement auprès du gouvernement ottoman. Les Puissances tripliciennes ont un peu trop décomposé le mouvement. Il semble bien qu’aujourd’hui on soit d’accord pour faire les deux démarches à la fois.

Quoi qu’il en soit, qu’est-ce que les Puissances ont à demander à la Grèce ? C’est d’évacuer les territoires de l’Épire qu’elle occupe encore et qui ont été attribués à l’Albanie. Cette évacuation ne sera pas sans causer une grande douleur à la Grèce, car elle devra s’effectuer sur des territoires qui sont incontestablement helléniques ; mais la politique a des exigences devant lesquelles on s’inclinera à Athènes, et les territoires en cause seront certainement évacués. Les Puissances de la Triple Alliance y ajoutent une condition, à savoir que l’évacuation soit terminée le 31 mars : elle le sera, si c’est matériellement possible ; une fois la résolution prise, le temps ne fait rien à l’affaire ; la Grèce se prêtera sur ce point à ce qu’on lui demandera. Mais, en même temps, notification doit être faite à Constantinople de la résolution des Puissances relativement aux îles que la Grèce occupe et qui doivent lui rester. La Porte, dit-on, s’inclinera, comme elle s’incline toujours devant la force, mais elle ne le fera pas sans protester, et que vaudra sa protestation ? L’avenir seul le dira. Peut-être n’y aura-t-il là qu’une manifestation vaine, destinée à sauver les amours-propres : peut-être y aura-t-il un titre qui sera invoqué plus tard, si la Porte retrouve une partie de la puissance qu’elle a perdue. Ici, il faut s’entendre : une protestation pour la forme peut être tolérée, une réserve avec une arrière-pensée belliqueuse ne saurait l’être. Puisque la Porte s’est résignée à perdre la Crète où il y avait une population musulmane considérable, pourquoi ne se résignerait-elle pas à perdre Chio et Mitylène où il n’y a guère que des Grecs ? Nous sommes bien d’avis qu’il faut, dans toute la mesure possible,