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Depuis quelque temps, nos connaissances sur cette maladie ont fait des progrès remarquables. Schaudin en a découvert le microbe, le fameux Treponema pallidum, ce qui permet de caractériser immédiatement une lésion suspecte au moyen de l’ultra-microscope. Des méthodes nouvelles de diagnostic permettent aujourd’hui de déceler la maladie même quand elle se dissimule, et surtout la célèbre réaction de Wassermann qui comporte l’analyse, par un procédé ingénieux, du sang du sujet. Enfin, comme le disait naguère le directeur de l’Institut Pasteur, « Ehrlich a mérité la reconnaissance universelle en fournissant contre elle un médicament plus efficace que tous ceux employés précédemment. »

Tout ce mouvement a eu pour origine les recherches faites à l’Institut Pasteur par M. Metchnikoflf sur l’inoculation de la syphilis aux singes anthropomorphes. Jamais auparavant on n’avait réussi à inoculer réellement la maladie aux espèces animales et à obtenir ainsi un moyen de l’étudier systématiquement par l’expérimentation. Grâce à l’habileté de M. Metchnikoff, on a réussi à inoculer cette affection aux singes anthropomorphes et notamment au chimpanzé, d’une manière si parfaite que les lésions obtenues ont présenté tous les caractères spécifiques jadis exclusifs à l’homme. C’est de là qu’est sortie en partie la belle découverte d’Ehrlich sur le traitement de la syphilis par les composés organiques de l’arsenic. Déjà les recherches ingénieuses de Salmon sur l’ « atoxyl » avaient marqué dans cette voie une étape.

Pour bien juger de l’importance sociale de tous ces progrès, quelques chiffres ne seront peut-être pas inutiles. Le professeur Fournier estime que 1 sur 6 des hommes est atteint de syphilis à Paris, et M. Blaschko affirme qu’à Berlin, parmi les jeunes gens au-dessous de trente ans, 1 sur 4 est syphilitique. Ce qui rend la maladie particulièrement grave au point de vue général, c’est d’abord sa contagiosité qui dure de longues périodes, et qui notamment, par le contact de la salive avec les verres et les assiettes, risque de contaminer des innocens. Quant à la mortalité due à cette cause, elle est bien plus grande qu’on ne croit communément. Le professeur Leredde a soutenu, il y a quelques semaines, cette thèse, peut-être un peu trop pessimiste, mais fortement appuyée d’argumens, qu’en 1910, par exemple, à Paris 11 000 décès furent dus à la tuberculose, 2 500 au cancer, plus de 3 000 à la syphilis, ‘au moins indirectement, car on sait maintenant et notamment par I les recherches récentes de Levaditi et de Noguchi, que le tabès et la paralysie générale sont causés par le Treponema pallidum et qu’on le .retrouve dans toute une série d’affections d’origine naguère mal