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RENAISSANCE ET RÉFORME

LA RELIGION DES HUMANISTES


I

II est peu de périodes plus brillantes pour l’histoire de la Renaissance française que celle qui s’ouvre par le troisième décennaire du XVIe siècle.

Le triomphe de la paix a été celui du progrès intellectuel. Libre au dehors, la royauté va, au dedans, prendre la direction du mouvement. Orateurs, poètes, historiens, peuvent à l’envi saluer le « prince des lettres. » C’est l’âge d’or des lettrés. Ils sont choyés, protégés, appelés à la Cour, comblés de pensions et de bénéfices. Et c’est aussi l’avènement de l’esprit nouveau. Sous l’influence de Budé, François fait le geste décisif. En mars 1530, les premiers lecteurs royaux sont institués : Danès et Toussaint pour le grec ; Vatable et Guidacerius, pour l’hébreu ; Oronce Fine pour les mathématiques. Les hymnes d’admiration et de reconnaissance qui célèbrent l’acte royal nous prouvent qu’il a été compris. C’est plus qu’un atelier de travail qui s’ouvre ; c’est la culture moderne elle-même qui prend possession de l’Etat, monte sur les degrés du trône, et n’est plus seulement une parure, mais une institution.

En cela, nos lettrés se trompent-ils ? Jamais le désir d’apprendre n’a été plus grand, ni le besoin de savoir plus général. On connaît le passage célèbre dans lequel Rabelais se réjouit d’un progrès qui rend « les palefreniers plus doctes que les