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culture classique des écoles. — Mais la révolution religieuse a posé le problème sous un autre aspect. En substituant l’éloquence et l’étude des langues à la dialectique, l’humanisme a prétendu changer non seulement les méthodes du savoir, mais celles de la théologie. Cette transformation est-elle nécessaire ? légitime ? Ne fraye-t-elle pas les voies à l’hérésie ?

Objection redoutable que la Sorbonne avait opposée aux humanistes et que l’auteur du traité Des Études s’attache à réfuter. Il en montrera d’abord le sophisme. Que la révolution religieuse ait apparu presque en même temps que la révolution intellectuelle, comment le nierait-il ? Ce qu’il conteste, c’est le rapport nécessaire que les intransigeans établissent entre l’une et l’autre. Coïncidence, et non conséquence. Et à tout prendre, comme Erasme, Budé peut dire que, si une déviation s’est produite, elle est plus le fait des hommes que des méthodes. Faudra-t-il donc supprimer la théologie parce que la plupart des hérésies sont le fait des théologiens ? « Un petit nombre d’hommes, écrira-t-il, se sont levés, qui ont incriminé la connaissance de la langue grecque comme l’instigatrice des opinions erronées... comme si on ne voyait point le même temps produire des miracles et des monstres détestables... » — Mais la question est plus haute encore. Que les théologiens regardent cette révolution dont ils s’indignent ! Elle est un fait universel. Elle ne s’impose point seulement à la pensée religieuse, mais à la pensée : aux méthodes théologiques, mais à toute forme de savoir : à la médecine, au droit, et ce qu’elle transforme, ce n’est point la vérité, mais la manière dont l’homme cherche et prouve la vérité. Est-elle un progrès ? Est-elle un bien ? Que l’on compare seulement le présent au passé. « En écrivant ces choses, il me venait à l’esprit combien mon sort était regrettable, à moi qui ai dépensé à ces études (anciennes) toute la fleur de ma jeunesse... dans un temps où la lumière des lettres n’avait point lui au delà des Alpes, sinon toute faible, à peine perceptible. Et maintenant leur clarté vive nous inonde... Quel bienfait plus grand la Providence a-t-elle pu faire aux hommes, après la religion fondée sur l’enseignement du Christ sauveur ! » — Il s’agit de savoir si, de ce progrès nécessaire, la théologie va prendre sa part, ou si elle se résigne à rompre avec l’esprit général de son temps.

Pour Budé, la réponse n’est pas douteuse. Affinité du symbolisme