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résultats. » Et à propos du projet de levées en masse apporté par le Comité, il entendit surenchérir faisant renvoyer au Comité le projet « mal digéré, » ce qui était grand succès.

L’opinion révolutionnaire, manifestement, lui revenait. A la Convention, le 21 août, il avait pris avantage d’une lettre apocryphe qui lui était calomnieusement attribuée, pour se faire acclamer. Le 25, Chabot le vantait aux Jacobins comme « l’homme qui avait fait la Révolution dans la Convention. » Et, comme Hébert s’acharnait à l’attaquer, il vint lui-même, le 26, le rétorquer aux Jacobins et se laver des « calomnies » relatives à sa fortune et à son second mariage.

Le 5 septembre, sentant qu’il reprenait l’avantage, il se lança à fond. L’ancien Danton revécut dans le discours enflammé sur la formation d’une armée sectionnaire. Avant même qu’il eût ouvert la bouche (le trait est à souligner) « les applaudissemens l’accompagnaient à la tribune et l’empêchèrent quelque temps de parler. » Un succès si spontané dut l’enivrer. Il fut à la fois superbe et terrible. Tout le discours est à lire, tant il abonde en formules d’un patriotisme fulgurant ; mais le tribun semble, dans son désir de déborder Robespierre, entraîné à désavouer ce qui avait été sa politique, à lui, dans le Comité. « Il reste à punir, s’écria-t-il notamment, et l’ennemi intérieur que vous tenez et ceux que vous avez à saisir. Il faut que le Tribunal soit divisé en assez grand nombre de sections pour que tous les jours un aristocrate, un scélérat paye de sa tête ses forfaits. » Et après avoir formulé en motions cette politique de violence, il s’exalte encore : « Hommage vous soit rendu, peuple sublime. A la grandeur, vous joignez la persévérance : vous voulez la liberté avec obstination, vous jeûnez pour la liberté ; vous devez l’acquérir. Nous marcherons avec vous ; vos ennemis seront confondus. »

Ce fut une ovation sans précédent dont tous les journaux se font l’écho et lorsque, le lendemain 6, il eut prononcé, sur les « moyens politiques » à fournir au Comité, un nouveau discours où il alla jusqu’à accuser celui-ci de « pusillanimité, » le succès fut tel encore, que le député Gaston s’écria : « Danton a la tête révolutionnaire ! Lui seul peut exécuter son idée. Je demande que, malgré lui, il soit adjoint au Comité ! »et la proposition fut applaudie et décrétée.

Il refusa solennellement, après deux jours de réflexion. Il avait juré de n’être point du Comité : « Si j’en faisais partie, dit-il,