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qui cependant évoluait de Danton à Hébert, s’écriait : « Personne ne se présente plus pour parler contre Danton : il faut en conclure que personne n’a rien à alléguer contre lui. » Alors on demanda que le président, Fourcroy, accordât l’accolade fraternelle à Danton, ce qu’il fit « au milieu des applaudissemens les plus flatteurs. »

Le lendemain, le club des Cordeliers, saisi à son tour de la question Danton, s’associait à cette absolution avec une sorte de joie. Danton y retrouvait un regain de popularité.

Robespierre, au fond, n’en avait pas tant demandé. Son plaidoyer avait été bien équivoque. Mais, autour de Danton, on affecta de le prendre au mot : Maximilien décidément approuvait, appuyait la belle campagne du patron contre les exagérés. Camille, qui se proclamait l’ami des deux hommes, exulta. Le Vieux Cordelier se lança.

Heureux dans son foyer, le jeune publiciste était revenu à son idée d’ « une république que tout le monde eût aimée. » Il avait donc facilement entendu l’appel de Danton : « Demande qu’on soit clément ! Je te soutiendrai ! » Arrêté peut-être un instant par l’idée que Robespierre désapprouvait l’entreprise, il crut vraiment, ou voulut croire, que, pour avoir (si piètrement) défendu le « grand ami, » Robespierre s’associait à la campagne de clémence. Pendant quelques jours d’ailleurs, Maximilien le laissera dans cette illusion. Comme Danton, Desmoulins le servirait contre Hébert. En temps utile, il lâcherait Camille et, au besoin, le perdrait s’il s’obstinait dans la compagnie de Danton.

Le 15 frimaire, parut le premier numéro du Vieux Cordelier. Et, tout de suite, Camille plaçait la nouvelle feuille sous les auspices de ses « deux amis. » « La victoire nous est restée, parce qu’au milieu de tant de ruines, de réputations colossales de civisme, celle de Robespierre est debout, parce qu’il a donné la main à son émule en patriotisme, notre président perpétuel des anciens Cordeliers. » Et, plus loin : « Après le discours foudroyant (sic) de Robespierre, il était impossible d’oser élever la voix contre Danton, sans donner pour ainsi dire une quittance publique des guinées de Pitt. »

Robespierre eut peur d’être compromis : ce dithyrambe l’engageait beaucoup trop. Il exigea de Camille qu’il lui soumît dorénavant ses numéros en épreuves. Ces numéros cependant attaquèrent furieusement Hébert et sa coterie, mais, en même