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ESSAIS ET NOTICES

LES COMMENCEMENS D’UN POÈTE [1]

On connaît l’amusante suscription que Victor Hugo avait griffonnée à la page liminaire d’un des cahiers contenant les premiers essais de sa précoce jeunesse : « Les bêtises que je faisais avant ma naissance. » Mais Hugo avait vingt ans quand parut son premier volume de vers J’ai entre les mains le recueil, non destiné au public, des « bêtises » d’un poète dont la « naissance » officielle eut lieu, — chose peut-être unique dans toute la littérature, — à quarante-huit ans. Je voudrais essayer de dire tout l’intérêt que me paraissent offrir ces Vers de jeunesse d’Auguste Angellier.

C’est en 1896, à quarante-huit ans, je le répète, qu’Angellier publia son premier livre de vers : A l’amie perdue. Les cent soixante-dix-huit sonnets qui composent l’ouvrage avaient été écrits en quelques semaines, en 1893 : le poète hésita près de trois ans à les publier. Il n’était jusqu’alors connu d’un public d’ailleurs assez clairsemé, — pour ne rien dire de deux livrets un peu scolaires, — que par deux opuscules, une Étude sur la Chanson de Roland et une Étude sur Henri Regnault, et surtout par une très belle, encore qu’un peu longue. Étude sur la vie et les œuvres de Robert Burns. Il avait, presque de tout temps, écrit des vers, sauf pourtant pendant la longue période où il préparait et rédigeait son Burns : entre ces années 1881 et 1893, il s’était volontairement interdit la poésie, ou, plus exactement encore, il ne s’était permis que quelques rares pièces de circonstance. Mais, de 1867 à 1881, il avait composé un certain nombre de vers : la plupart ont

  1. Auguste Angellier, Vers de jeunesse, 1 vol. in-16. Lille. Imprimerie L. Danel. Le volume n’est pas mis dans le commerce. Les quarante et une pièces qui le composent sont disposées dans l’ordre chronologique.