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est installé chez les Dupré d’Imauville, qui n’y sont plus chez eux, mais chez lui. Madame surveille son travail, le conseille, le dirige, traite avec les éditeurs et les directeurs de théâtre, assiste aux répétitions de ses pièces. Elle est l’Égérie et s’acquitte de son rôle en conscience. Est-elle autre chose, quelque chose de plus intime et de plus tendre ? Non, elle n’est vraiment pour Veretz qu’une amie. Mais on s’est souvent demandé si entre une femme et un homme une amitié pouvait exister où il ne se mêlât pas un grain d’amour. Madame a trop fait pour son grand homme, elle lui a donné trop de son esprit, pour ne pas y avoir ajouté, peut-être à son insu, un peu de son cœur : c’est la maternité amoureuse. La vérité de la situation éclate à propos d’une petite actrice. Mlle Germer, dont Madame est jalouse. Placé entre sa bienfaitrice et cette aimable personne, Pierre Veretz n’hésite pas : il lâche les Dupré d’Imauville. Jusqu’ici nous avions été un peu incertains sur le caractère du personnage. Il semblait assister à son aventure eu témoin étonné plutôt qu’en acteur. Il était comme absent de sa propre destinée. Acceptait-il, subissait-il cette affection tyrannique et cette quasi-domesticité ? Mais à la façon dont il quitte la maison, nous ne conservons plus aucun doute : c’est un pleutre. Grand homme si l’on veut, mais pleutre certainement. Nous trouvons même qu’il exagère.

Au troisième acte, Pierre Veretz revient, et Madame s’apprête à fêter le retour de l’enfant prodigue. Il retrouvera toutes choses comme il les a laissées, ses plumes, ses manies et le dévouement toujours prêt de Madame. Hélas ! il est revenu, mais c’est pour annoncer qu’il épouse la petite actrice. Alors les événemens se précipitent, et ils s’accumulent. Madame s’évanouit. Explication orageuse entre le mari et le grand homme. Intervention de Chouquette, que sais-je encore ? D’ailleurs tout ce bruit, tout ce mouvement, toute cette agitation ne mène à rien... Pièce superficielle, qui n’est ni bien ni mal faite, mais trop peu faite, et dont la simplicité excessive déconcerte.

Mlle Jeanne Granier a mis dans le rôle de Madame toute sa finesse, et parfois son émotion de comédienne accomplie. M. Huguenet a dessiné d’un trait sûr un personnage de mari sympathique et point ridicule. Quant à M. Signoret, qui a bredouillé de façon à peu près inintelligible le rôle de Pierre Veretz, il a été franchement détestable.


L’Épervier de M. Francis de Croisset est une pièce brillante et mouvementée, romanesque, sentimentale, dramatique, violente, passionnée,