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Peut-être serait-ce une question de savoir si de semblables discours sont faits pour être chantés. Mais, dira-t-on, sans parler, ou reparler du Rêve, — et nous n’en reparlerons point, — il y a Louise. Louise en effet, par la grâce ou la vertu de la musique, a bien pu triompher, à demi, du péril réaliste. C’était pourtant un péril, et dont il a fallu qu’elle triomphât. Il y a même, plus loin de nous que Louise, un autre, tout autre ouvrage, dont vous n’attendez guère ici le nom : le Domino noir. Là aussi le premier acte se passait dans un bal. Et là aussi les personnages, — alors, — étaient contemporains, et l’action familière, et moyenne la comédie. Mais la prose de Scribe, oui, de Scribe, auprès de la prose de M. Guiches, ou, plus exactement, de M. Trépard d’après M. Guiches, était l’élégance même. Et puis, et surtout, la musique voltigeait, alerte, pimpante, spirituelle, poétique par endroits, bien que toujours cum grano salis, avec un air de n’être pas dupe, avec un petit arrière-goût d’ironie. La musique avait fait de ce sujet, ou de cette situation : un bal, où se noue une galante aventure, le tableau de genre le plus brillant, le plus aimable et même le plus ressemblant à la vie. Rien n’y était forcé, rien non plus n’y était plat ou vulgaire. Musique de salon, ou plutôt d’un salon où l’on jase, où l’on danse, où l’on rit, le premier acte du Domino noir est l’un des petits chefs-d’œuvre de cette musique-là. Que MM. les triumvirs de l’Opéra-Comique aient seulement l’idée, l’idée heureuse, de « remonter, » comme on dit, le Domino noir, pourvu que ce soit avec soin, avec goût, nous y prendrons un plaisir extrême, et le public avec nous. Alors peut-être le reste du répertoire se relèvera de soi-même, et, dans un genre qui passe pour le plus artificiel et le plus faux de tous, on s’étonnera de reconnaître, çà et là, des traits vifs et frappans, sinon de réalisme, au moins de naturel et de vérité.

Céleste n’a pas péri tout entière, ou plutôt sa chute épargna sa principale interprète, Mlle Brunlet, une débutante. « Comme on chante à vingt ans, » dit l’un des couplets d’une vieille romance. La jeune cantatrice chante et joue déjà mieux qu’on ne fait d’ordinaire à cet âge-là, qui paraît être à peu près le sien.


Maintenant, parlons de musique. A Grenade. Salud aime Paco, d’un sincère et constant amour. Mais l’amour de Paco pour Salud est éphémère et menteur. L’infidèle va se marier, il se marie. Ce soir, la maison nuptiale est pleine de danses et de chants. Salud, avertie, survient au milieu de la fête. Émoi général, courte scène de reproches et de plaintes, et soudain, aux pieds du perfide, l’abandonnée s’affaisse et meurt.