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intervalles, diatoniques ou chromatiques, entrent comme facteur principal dans la musique d’Espagne. Ils en constituent l’essence. Mais d’autres ingrédiens s’y mêlent encore. C’est un rythme, c’est un tour mélodique, c’est un effet de la voix, qui se porte, ou se traîne, tantôt sur des notes tenues longuement, tantôt au contraire sur des notes qui se multiplient et se précipitent en cascade. Maintenant, ces élémens nationaux, populaires, qu’on les imagine traités, travaillés par de véritables artistes, passant ainsi de l’ordre de la nature, ou de l’instinct, à l’ordre esthétique supérieur, on concevra sans peine le goût, la couleur que peut donner à la musique espagnole, ancienne ou moderne, l’alliance de ce fond et de cette forme, de ces matériaux et de cette mise en œuvre, en valeur, en beauté.

Un historien, un apôtre de la musique espagnole a paru dernièrement au milieu de nous. Ici même, nous avons parlé de l’ouvrage de M. Henri Collet : Le mysticisme espagnol au XVIe siècle[1]. Mais, fût-ce en musique, l’Espagne mystique, et du XVIe siècle, n’est pas la seule Espagne. Le théâtre musical espagnol, celui d’hier, celui d’aujourd’hui, n’est pas non plus à négliger. Nous l’ignorons entièrement, et c’est grand dommage, pour ne pas dire grande honte. Paris, et non pas tout Paris, ne connaît que de nom, et encore ! les Chapi, les Breton, les Albeniz, les Granados, et surtout cet admirable Pedrell, « le Ghnka de la Renaissance musicale espagnole, » comme l’appelle si bien M. Collet. Il y a trois mois, notre confrère écrivait, ou plutôt s’écriait dans un journal hispano-français : « Comment admettre que la Celestina, ou la tragi-comédie des amours de Calixte et Mélibée, ne soit pas à cette heure au répertoire de l’Opéra-Comique ! » La faute n’en est point nôtre. Pour signaler le chef-d’œuvre de Pedrell à M. le directeur sortant, nous avons naguère élevé la voix, en vain. Puissent MM. les directeurs en exercice prêter à notre prière une oreille plus attentive ! Après la Celestina, d’autres ouvrages suivraient bientôt et d’eux-mêmes. Nous pourrions les citer au besoin, comme nous avons fait leurs auteurs. La Revoltosa et la Virgen de la Paloma, Pepita Jimenez et San Anton de la Florida, Maria del Carmen, cela ferait une assez belle série. Une partition telle que la Vie brève ne nous paraît pas indigne de l’annoncer et de l’ouvrir.


Par la poésie du sujet, tiré d’un conte gracieux d’Andersen, la Marchande d’allumettes prendra sur les personnes sensibles. Par l’arrangement

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1913.