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Richepin, c’est l’inexpérience. Son œuvre est d’un élève en tout genre, dans tous les genres, dans toutes les parties dont se compose l’art et le métier du musicien. Vous savez que Beethoveen disait : « La musique est esprit et elle est âme. » De plus, étant une forme, elle est un corps aussi. La musique de M. Tiarko Richepin n’a pas de corps, ou presque pas. Sauf en quelques passages, vulgaires et bruyans, elle a toujours l’air, tant elle est menue et grêle, de sortir d’une boîte à musique, et d’en sortir à peine, sinon d’y être enfermée. Elle abonde en petits effets, trop petits et trop faciles, comme les soli d’instrumens à cordes, ou comme cette formule, particulièrement artificielle et affectée, qui consiste à terminer, pianissimo, chaque phrase de chant par un portamento sur les notes hautes et minces de la voix, surtout de la voix féminine.

Mais voilà ! Dans la Marchande d’allumettes, en particulier dans le rôle du vieux mendiant, il y a des romances, il y a des complaintes. Or, faut-il l’avouer, je suis terriblement pour les romances, et, quant aux complaintes, je les aime furieusement. Toutes sentimentales et larmoyantes qu’elles soient, ou peut-être même plus elles le sont, moins je me puis défendre, à leur endroit, d’un goût peu relevé, mais très vif. Est-il donc vrai qu’au fond, tout au fond de nous, si ce n’est au contraire à la surface, elles flattent, chatouillent on ne sait trop quelle secrète faiblesse ! Dans la manière, dans certaine manière de J.-J. Weiss, un jour qu’il mit au-dessus de l’Iliade, de l’Odyssée, et de toutes les merveilles de la poésie et du théâtre, le livret des Diamans de la Couronne, j’aurais envie d’écrire aujourd’hui : « Je ne suis pas exclusif. Je conviens que Don Juan a de belles parties. Je ne dis pas qu’on ne peut pas s’enchanter de la symphonie eu ut mineur... Mais si l’on me demande quel est le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre, je ne connais rien qui approche de certaine valse lente, et dolente, que chante le vieux mendiant, en s’accompagnant de son orgue, au dernier acte de la Marchande d’allumettes. » On a beau nous dire que cela se passe, que cela se joue dans une petite ville d’Angleterre. Allons donc ! C’est à Paris, dans le Paris de notre enfance, du temps que nous étions écolier. Les soirs d’hiver, dans la rue silencieuse et déserte du vieux faubourg, c’est bien le même instrument, plaintif, éraillé, qui venait jouer sous la fenêtre. L’orgue « de Barbarie ! » Son nom même avait quelque chose de lointain et de mystérieux. « Lanterne magique ! » criait l’homme d’une voix étrange, qui faisait à la fois peur et plaisir. On mourait d’envie de l’appeler, avec une terreur folle qu’il montât. L’enfant alors posait la plume, fermait le dictionnaire, et son esprit