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connaître pour ce qu’il était ; d’avoir partagé ses projets liberticides, tels que de faire marcher une force armée sur Paris pour détruire le gouvernement républicain et rétablir la royauté. »

Alors il s’écria :

« Ma voix, qui tant de fois s’est fait entendre pour la cause du peuple, pour appuyer et défendre ses intérêts, n’aura pas de peine à repousser la calomnie. Les lâches qui me calomnient oseraient-ils m’attaquer en face ? Qu’ils se montrent, et bientôt je les couvrirai eux-mêmes de l’ignominie, de l’opprobre qui les caractérisent ! Je l’ai dit et je le répète : Mon domicile est bientôt dans le néant et mon nom au Panthéon !... Ma tête est là ! Elle répond de tout... » Puis, avec ce grand geste de lassitude furieuse ou de dédain hautain qui lui était familier : « J’ai trop servi ! La vie m’est à charge. Je demande des commissaires de la Convention pour recevoir ma dénonciation sur le système de dictature ! Oui, moi Danton, je dévoilerai la dictature qui se montre entièrement à découvert ! »

C’était passer à l’offensive si brusquement que le président en fut effrayé.

« Danton, dit-il, l’audace est le propre du crime et le calme est celui de l’innocence. Sans doute la défense est de droit légitime ; mais c’est une défense qui se sait renfermer dans les bornes de la décence et de la modération, qui sait tout respecter, même jusqu’à ses accusateurs...

« — L’audace individuelle est sans doute réprimable et jamais elle n’a pu m’être reprochée, riposta-t-il ; mais l’audace nationale dont j’ai tant de fois servi la chose publique, ce genre d’audace est permis ; il est même nécessaire en révolution, et c’est cette audace dont je m’honore. Lorsque je me vois si grièvement, si injustement inculpé, suis-je le maître de commander au sentiment d’indignation qui me soulève contre mes détracteurs ? Est-ce d’un révolutionnaire comme moi, aussi fortement prononcé, qu’il faut attendre une défense froide ?

« Moi vendu ! Moi ! un homme de ma trempe est impayable ! La preuve !... Que l’accusateur, qui m’accuse d’après la Convention, administre la preuve, les semi-preuves, les indices de vénalité ! C’est moi, moi que l’on accuse d’avoir rampé aux pieds des vils despotes, d’avoir toujours été contraire au parti de la liberté ; d’avoir conspiré avec Mirabeau et Dumouriez ! Et