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en août 1792, il avait eu 400 000 francs dont 200 000 pour choses secrètes : il avait « dépensé devant Marat et Robespierre pour les commissaires des départemens. » Il s’étendit sur l’affaire d’Adrien Duport, sauvé par lui pendant les massacres. Quant aux Brissotins qu’il avait, disait-on, protégés, « ils l’avaient pardieu bien attaqué. « Il s’arrêta aussi à ses rapports avec Dumouriez : c’était un « orgueilleux » qu’il ne fallait pas irriter ; il l’avait ménagé, et c’est d’ailleurs Billaud qu’il avait chargé de la négociation. Celui-ci n’avait jamais alors pu discerner si Dumouriez était un traître.

Il parlait depuis une heure et il semblait que rien ne pût l’arrêter. D’après Paris, on avait l’impression que rien ne subsistait de l’acte d’accusation. « Une grande partie de l’ assistance applaudissait à cette justification. » De la salle d’audience, le bruit se répandait que Danton « confondait ses accusateurs » et, pénétrant jusque dans les prisons, ce bruit remplissait d’une anxieuse espérance les prisonniers. L’un d’eux, le 15, écrit dans un journal : « Un citoyen qui a été témoin des débats nous a rapporté que Danton fait trembler les juges et jurés, il écrase de sa voix la sonnette du président... Le public murmurant pendant les débats, Danton s’écria : « Peuple, vous me jugerez quand j’aurai tout dit ; ma voix ne doit pas être seulement entendue de vous, mais de toute la France. »

En fait, devant lui, président, juges, jurés, accusateur public, tous semblaient écrasés. La salle boulait, murmurait, applaudissait. L’inquiétude était extrême. Déjà Herman, éperdu, avait fait parvenir à Fouquier un billet portant : « Dans une demi-heure, je ferai suspendre la défense. » Brusquement il l’interrompit. Le Bulletin du Tribunal porte : « En parcourant la série des accusations qui lui étaient personnelles, il (Danton) avait peine à se défendre de certains mouvemens de fureur qui l’animaient ; sa voix altérée indiquait assez qu’il avait besoin de repos. Cette situation pénible fut sentie par tous les juges qui l’invitèrent à suspendre ses moyens de justification pour les reprendre avec plus de calme et de tranquillité. Danton se rendit à l’invitation et se tut. »

On a bien l’impression d’une tartuferie. Au milieu des notes de Topino Lebrun, qui deviennent de plus en plus brèves, on relève en effet cette parole : « On me refuse des témoins, alors je ne me défends plus ! Je vous fais d’ailleurs mille excuses de