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Mais que faut-il donc penser de la possibilité d’une descente allemande sur le sol de la Grande-Bretagne ?

Ceci, tout simplement, que c’est affaire de circonstances, de choix et de mesure. Il faudra en effet des circonstances favorables, très favorables pour déjouer, fût-ce seulement pendant vingt-quatre heures, la surveillance active et fortement organisée de la puissante Home fleet ; il faudra aussi choisir avec autant d’habileté que de résolution, non seulement le moment de l’entreprise, mais aussi les points de départ et d’arrivée ; et il ne sera pas moins nécessaire, en se défiant de visées trop ambitieuses, de borner l’étendue des moyens d’action militaires, dont le débarquement doit s’effectuer avec autant d’ordre que de promptitude, au cours d’une seule journée.

Or, saisir le moment favorable, ou du moins en profiter, dans un cas pareil, cela exige des bâtimens très rapides, c’est-à-dire les croiseurs cuirassés les plus récens, — croiseurs de combat en tête, — les cuirassés de ligne de la classe Kaiser (lancés en 1911 et 1912), qui ont donné 23 nœuds et en peuvent soutenir 20 en route, pour un trajet relativement court, enfin, les éclaireurs de 4 500 à 5 000 tonnes du type Kolberg, qui poussent aisément jusqu’à 28 nœuds. Une force navale ainsi composée convoierait sans difficulté, — et il ne faut pas oublier que « convoyer » ne signifie pas seulement « accompagner. » Les convoyeurs doivent pouvoir précéder le groupe des transports, — les huit énormes et rapides bâtimens de charge [1] que l’Etat-major allemand emprunterait aux deux grandes compagnies de navigation « Norddeutscher Lloyd » et « Hamburg Amerika Linie » et assurerait dans des conditions satisfaisantes la mise à terre d’un corps de 40 000 hommes de toutes armes, plus fort, naturellement, en infanterie qu’en cavalerie et artillerie, à cause des difficultés que présente le transport des chevaux.

Or si, avec cet effectif, les grands desseins sont interdits, il n’en est pas de même d’opérations d’une portée stratégique restreinte, mais qui ne laisseraient pas d’être intéressantes, au point de vue de l’effet moral surtout ; et nous entendons par là certaines entreprises contre l’Irlande, ou contre des points de la

  1. Kaiser Wilhelm der Grosse et Kronprinz Wilhelm (24 000 tx, 22 n.) ; Kaiser Wilhelm II et Kronprinzessin Cecilie (32 000 tx, 23 n.) ; 3 Imperator (50 000 tx, 21n.) ; 1 X (55 000 tx, 22 n.).