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l’Angleterre. Faudrait-il s’en tenir, nous ne disons pas, bien entendu, aux dispositions actuelles, dont la pauvreté ne mérite pas qu’on s’y arrête, mais même à celles que nous venons de préconiser pour assurer ces communications précieuses ; et, d’ailleurs, serait-il prudent de ne compter que sur la Grande-Bretagne pour nous fournir, directement ou indirectement, tout ce qui serait nécessaire à l’entretien de nos armées ?

Certes non, et pour beaucoup de motifs. Savons-nous, quelle que soit la cordialité de nos rapports avec les Anglais, ce que seront ceux-ci, demain, à notre égard ? Et en tout cas, si nous laissons de côté une hypothèse qui pourrait sembler désobligeante, sommes-nous certains, en présence de la grande supériorité de la force navale allemande, — de la force navale triplicienne, devrions-nous dire, — que la grande escadre de la mer du Nord, ou seulement celle des « croiseurs de combat, » ne finirait pas, en dépit de toutes nos mesures, par s’installer victorieusement dans la Manche ?

Il s’en faut bien. Il est donc sage d’examiner quel parti nous pourrions tirer, au point de vue qui nous occupe, de notre littoral de l’Océan ; et il ne l’est pas moins de rechercher si, toujours avec ces admirables engins que sont ses grands croiseurs « Dreadnoughts, » l’adversaire ne serait pas, là encore, en situation de paralyser nos efforts.

Assurément, si l’Atlantique restait libre et que nos atterrages ne fussent pas surveillés de près par la marine allemande, rien ne nous empêcherait de faire jouer à l’Amérique le rôle que nous donnions, dans ce qui précède, à l’Angleterre. C’est d’ailleurs ce qui eut lieu en 1870-71, alors que nous étions maîtres de la mer. Mais la situation est renversée, aujourd’hui, et peu de jours, peu d’heures plutôt, après la déclaration de guerre, nous verrions apparaître sur nos côtes de l’Ouest une division allemande qui refoulerait immédiatement devant elle nos vétustés croiseurs cuirassés. Du coup, notre commerce maritime serait supprimé, nos arrivages seraient interrompus.

« Qu’à cela ne tienne ! dira-t-on peut-être... Ces arrivages se feront par l’intermédiaire de l’Espagne ou du Portugal, par Saint-Sébastien ou Santander, par la Corogne, Porto ou Lisbonne, etc., ou enfin par les ports de la Méditerranée. Nous paierons tout plus cher, mais on n’en est pas à cela près dans de telles conjonctures... »