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ce qu’on n’avait pas voulu comprendre jusqu’à présent, et votre récit vient appuyer le mien. Vous le confirmez en disant que les Anglais « allaient répétant que cette abjuration n’était qu’une plaisanterie. Ils faisaient remarquer que, pendant toute la scène, l’accusée n’avait fait que rire et se moquer. »

A propos du rôle de Cauchon, lorsque vous dites : « C’était mal remercier l’évêque de Beauvais de tout ce qu’il venait de faire. C’était bien mal le connaître, c’était bien mal apprécier les ressources de son esprit rompu aux artifices de la procédure, » vous ne faites que confirmer mon récit, car mon livre n’a eu qu’un but : montrer ces artifices.

En parlant des impressions du public, vous ajoutez : « Qu’avait-elle abjuré au juste, on ne le savait pas. »

Voilà le nœud de la question que vous posez avec précision et que vous avez, déjà, dénouée en disant : « La cédule qu’on venait de lui lire ne heurtait pas sa conscience ; elle ne contenait rien de contraire à ce qu’elle avait toujours soutenu, affirmé, proclamé. Elle n’y reniait ni ses voix, ni sa mission, ni son roi. »

Elle n’avait donc pas abjuré, on appliquait le mot abjuration à un acte qui n’était en rien une abjuration.

Mais comme vous le faites remarquer : « Peu importait... L’effet était produit. Demain, on pourrait dans des lettres, où le fait serait habilement exploité, annoncer au Pape, à l’Empereur, aux rois, aux princes, à toute la chrétienté, que la sorcière dont le prétendu roi de France s’était servi pour combattre Henri, le roi légitime, avait proclamé publiquement ses erreurs et détesté ses crimes. Quel appoint pour le succès de la cause anglaise !... Et comme Monseigneur de Beauvais avait bien mérité de ses maîtres ! »

En un mot, vous constatez que Jeanne d’Arc s’était refusée à toute abjuration, mais que, pour le public, Cauchon en avait organisé un simulacre. Je ne veux voir aujourd’hui que les points où nous sommes d’accord, et comment l’étude des mêmes faits nous a amenés aux mêmes affirmations.

Après avoir si nettement reconnu le but que poursuivait Cauchon et l’habileté avec laquelle le simulacre fut machiné, comment pouvez-vous prétendre qu’on ne peut établir : « que Jeanne n’a pas réalisé l’acte d’abjuration. »

Ayant reconnu que le fond n’existait pas, et encore moins le fait lui-même, vous trouvez cependant que l’on ne peut dire que