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Nicolas Caval était l’ami particulier de Cauchon ; il répond à toutes les questions : « Je ne sais rien. » « Nihil scit. » On voit que le passage cité par M. Valin ne peut être de Nicolas Caval, mais il est de Guillaume du Désert ; or, ce témoin est plus que suspect, il resta dévoué à l’Angleterre même après la prise de Rouen. — D’ailleurs, la seconde partie de sa déposition contredit la première, et il la termine en disant : « Quod erat una derisio. »

Quant aux quatre autres dépositions, celles de Taquel, Manchon, Colles et Massieu, nous les avons déjà étudiées en établissant que Jeanne n’avait pas répété la cédule et que ce qu’ils appellent une abjuration, c’est d’avoir mis une croix. — Sans se prononcer sur le sens qu’aurait eu cette croix, M. Valin s’élève vivement contre le fait que Jeanne aurait appris à signer ; mais, avant d’aborder ce sujet, il faut nous occuper de l’étude qu’il a faite sur le Directorium Inquisitorum de Nicolas Eymeric, traité de droit inquisitorial, très en faveur parmi les canonistes du XVe siècle. Dès à présent, nous pouvons cependant conclure que ces témoignages accumulés permettent de maintenir ce que nous avons déjà dit : que Jeanne, sommée d’abjurer, avait refusé de le faire. Tout concourt à établir ce refus, rien ne vient l’infirmer.


Dans le Directorium Inquisitorum, il est rappelé que les poursuites pour hérésie ont moins pour but d’arriver à une condamnation que de ramener l’accusé à la vérité en lui faisant reconnaître ses erreurs. Quant aux moyens pour obtenir ce résultat, il est recommandé à l’inquisiteur de procéder d’une manière simplifiée et directe, sans vacarme d’avocat ni figure de jugement. Le juge ne relevait que de sa conscience ; une conscience comme celle de Cauchon ne se trouvait gênée par aucun obstacle.

« La logique du procès en cause de foi, dit M. Valin, allait donc merveilleusement servir les intérêts anglais. — Ou bien la Pucelle abjurerait publiquement ses erreurs ; elle reconnaîtrait ainsi qu’elle s’était rendue coupable d’idolâtrie ; elle avouerait qu’elle avait menti lorsqu’elle se déclarait l’envoyée de Dieu, qu’elle avait menti lorsqu’elle racontait ses visions merveilleuses. Elle proclamerait ainsi qu’elle avait usé d’enchantemens et de sortilèges pour combattre les Anglais. Et le