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L’abjuration ou la mort, telle était bien la conséquence finale d’un procès en cause de foi ; aussi Jeanne mourut-elle dans les flammes ; mais, que l’exécution dût être immédiate, séance tenante, le jour même, voilà où M. Valin fait erreur.

Nous voyons, en effet, que le 19 mai, à la réception des lettres de l’Université de Paris qui condamnaient Jeanne, il fut discuté comment on procéderait au jugement et à l’exécution ; or, sur 48 assesseurs présens, il n’y eut que Nicolas de Vendérès, qui demanda qu’en un même jour eussent lieu la condamnation et l’exécution. Il n’y avait donc aucune obligation de pourvoir immédiatement à l’exécution. Cauchon conclut qu’il procéderait à ce qui restait à faire.

Le rôle si coupable et très prépondérant joué par le cardinal d’Angleterre paraît avoir complètement échappé à M. Valin, à tel point qu’il donne sa présence comme une garantie que les règlemens canoniques ont été respectés par l’évêque de Beauvais. — Or, à Saint-Ouen, Winchester et Cauchon poursuivaient de concert un double but : « simuler une abjuration afin de faire publier dans toute la chrétienté l’infamie du prétendu roi de France qui avait eu recours à une abominable sorcière pour s’emparer d’un royaume qui n’était pas le sien ; » et, en même temps, tous deux préparaient le crime de relapse, pour satisfaire, en brûlant Jeanne d’Arc, la haine des Anglais. Obtenir ce double résultat avait une telle importance politique que Cauchon ne devait s’arrêter devant aucun faux, ni mensonge. Sa perfide habileté s’est appliquée à ce que, par des artifices de procédure, son crime fût couvert d’un masque judiciaire.


En se plaçant toujours au point de vue de l’acte réalisé, la signature de J. d’Arc qui a permis à M. Hanotaux d’écrire : « Elle sait signer, elle ne signe pas, donc elle n’a pas abjuré » provoque, de la part de M. Valin, les observations suivantes : « Malgré tout le poids des autorités dont M. le comte de Maleissye se recommande auprès de vous, il ne m’a pas paru possible, ainsi que vous l’avez pu voir, d’accueillir la thèse qu’il a présentée. C’est qu’en effet, messieurs, les objections se pressent en foule, pour peu qu’on examine d’un peu près les raisons de décider que l’auteur des lettres de J. d’Arc nous apporte a l’appui de sa prétention. »