Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les Hanovriens sont éblouis par le luxe de ses équipages, ses folles prodigalités, ses énormes pertes au jeu. Ernest-Auguste est charmé par ses manières, son esprit, sa belle humeur ; bientôt il ne peut plus se passer du beau Suédois et le fait colonel de ses gardes : charge dangereuse, car elle lui donne libre accès dans le palais. Le loup est dans la bergerie !

La jolie princesse qui y languissait avait été, dix ans plus tôt, pendant qu’il faisait son éducation militaire à Zell, la compagne de son adolescence. Le mauvais destin voulut que Konigsmarck, avant de parvenir jusqu’à elle, trouvât sur son chemin la Platen.

Le séduisant colonel avait produit une vive impression sur cette beauté mûrissante ; elle ne la cacha pas. Konigsmarck voulait être bien en cour, et le tribut qu’il dut payer à la favorite, s’il n’est pas la plus brillante de ses aventures, fut certainement la plus néfaste.

Konigsmarck et Sophie-Dorothée se rencontrèrent d’abord au milieu des fêtes de la Cour ; on parla des jeunes années, encore si proches, où leurs jeux se mêlaient ; les confidences survinrent, les plaintes de la jeune femme sur sa triste vie conjugale, la solitude de son âme dans une famille et une société où elle se sentait traitée en étrangère. Des plaintes aux consolations, il n’y a qu’un pas, et Konigsmarck n’était point coutumier d’hésitation. La femme de Georges-Guillaume se défendit pourtant.

A ce moment, les troupes hanovriennes se joignaient à l’armée impériale pour aller en Morée combattre les Turcs. La princesse presse Konigsmarck de partir, avouant ainsi sa faiblesse.

Celui-ci ne s’y trompe pas et, habilement, obéit. Il gagnait ainsi des adieux émouvans.

Quand, avec les rares survivans de cette désastreuse expédition, le jeune homme rentra à Hanovre, périls, bravoure et absence avaient avancé ses affaires dans le cœur de Sophie-Dorothée.

Bien inopportunément pour son repos conjugal, Georges-Louis part à son tour pour faire campagne en Hollande et, pendant que, contre Louis XIV, se nouaient et se dénouaient les alliances entre Anglais, Orangistes et princes allemands, les deux amoureux se livraient imprudemment à la haine qui veillait