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ce qui fait le bonheur et le plaisir de ma vie est exposé à tous momens et, peut-estre, ne vous reverrai-je jamais. Ah ! c’est pour en mourir, el je ne peux en soutenir la pensée. Du moins, il est seur que je ne vous survivrois pas et que je recevrois la mort avec joie comme le seul soulagement à mes peines. Je vous conjure, au nom de toute la passion que j’ai pour vous, de ne m’exposer plus à de pareilles inquiétudes, et si vous m’aimez autant que vous voulez me le faire croire, ne me quittez jamais, et encore une fois, faisons-nous un bonheur que rien ne puisse plus troubler. Toutes ces craintes et ces agitations me désespèrent, je suis lasse de tant souffrir, et il est juste que vous vous donniez tout à moi, comme je me suis donnée tout à vous. J’ai le cœur si serré que je ne saurois vous en dire davantage. J’attends les nouvelles avec une impatience égale à ma tendresse, et je n’aurai point de repos que je ne sache en quel estat vous estes. »


Le 1/11 aoust.

« Quelle joye pour moi de vous savoir hors de danger ! Il faut aimer autant que j’aime pour ressentir autant que je le fais. J’ai passé deux jours et deux nuits dans des inquiétudes mortelles, et je ne crois pas que l’on ait jamais tant souffert. J’ai reçu deux de vos lettres à la fois dont je suis charmée, car vous m’assurez que vous estes content de moi et que je ne dois point craindre vostre inconstance ; je le suis infiniment de vous et il me semble que ma passion augmente à tous momens. C’est pour cette raison que je veux vous quereller de vous estre exposé mal à propos sans aucune nécessité. C’est vouloir me désespérer de gaieté de cœur. Que vous ai-je fait pour me traiter de la sorte ? Ne devriez-vous pas vous conserver pour moi ?

« Je serois au désespoir que vous fissiez rien contre vostre honneur, mais je ne peux vous pardonner de faire le jeune homme comme vous l’avez fait. Je vous demande instamment de ne plus faire de pareilles folies. Que deviendrois-je si je vous perdois ? Vous ne songez pas que ma vie est attachée à la vostre et que je ne veux pas vivre un moment après vous. Je souhaite bien fort que cette affaire icy finisse la campagne, car si l’on alloit entreprendre quelque autre chose, je crois que j’en mourrois de frayeur qu’il ne vous arrivast quelque accident.

« Je ne sais pas où l’Electeur a eu les yeux de vous avoir