Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

estoit, et il n’y a point de bonheur parfait au monde. J’espère avoir demain de vos nouvelles.

« Il est seur que je ne dormirai point toute la nuit, et j’attends les jours de poste avec une impatience qui n’appartient qu’à ma tendresse.

« Je viens d’estre interrompue par le Grondeur et le Péda. Tout ce que j’ai peu faire, c’est de cacher ce que j’écrivois. Le régal auroit esté beau pour eux s’ils l’avoient veu. Ils me font mille amitiés, mais ils me prêchent incessamment de bien vivre avec le Réformeur. Le Grondeur n’entend pas raillerie sur ce sujet, ce qui fait que je n’ose lui en parler aussi souvent que je le voudrois. Si vous saviez combien je suis ennuyée de ne vous point voir, vous n’auriez point la dureté de me quitter une seconde fois.

« Mais il n’y faut pas penser, et je dois me résoudre à partager vostre cœur avec la gloire. Vous avez tout le mien, il est exempt de toutes les passions. Il n’y a que celle de vous plaire qui l’occupe entièrement, et vous estes mille fois plus aimé que vous n’aimez. Adieu, vous le serez éternellement, et je veux devenir l’exemple du plus tendre amour et de la plus exacte fidélité qui ait jamais esté depuis que le monde est monde... »


Le 8/18 aoust.

« Quoique je vous aie écrit cette après dinée, je ne saurois me coucher sans vous assurer encore de ma tendresse ; je crains si fort de ne point trouver d’occasion de vous écrire pendant le voyage, que je vous escris par précaution.

« Ma lettre partira l’ordinaire prochain. Plust à Dieu estre à sa place et pouvoir aller vous trouver ! L’on dit que je serai bien plus proche de vous au lieu où je vas que je ne la suis d’ici ; cela me fait quelque sorte de plaisir, mais il est bien imparfait...

« Bonsoir, adorato mio ben, gardez-moi sans fraude vostre aimable cœur, car j’ai toujours peur qu’on me le dérobe ; gardez-moi vostre aimable cœur, je vous conserverai le mien si entier qu’il n’y aura pas la moindre petite place pour qui que ce soit au monde. »


Eimbeck, le 12/22 aoust.

« J’ai receu vostre lettre un moment avant de partir de C(elle). La crainte que vous me témoignez que les nouveaux objets