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plaisir de notre jeunesse : je suis leur pédagogue et je leur donne de bonnes réprimandes.

« La Boule a été extrêmement brouillée avec Montalbany ; la raison est qu’elle lui a raillé sur ce que l’on dit qu’il mettoit des gras de jambe.

« Le lendemain, il revient dans la chambre de l’Electrice ; elle le raille sur le même sujet. Lui, s’emporte, met la jambe sur la toilette et lui dit : « — Tous ceux qui vous ont dit de telles choses en ont menti. »

« La pauvre Croseck qui voyoit que son impertinence alloit trop loin, approcha de lui pour le faire retirer, mais contre son attente, elle fut reçue d’une chiquenaude que le sang lui sortoit de la bouche et des yeux. L’Electrice s’emporta et défendit à Montalbany de la jamais revoir et de sortir de la maison ; mais elle ne garda guère cette résolution, car des gens de ses amis prièrent pour lui et la chose fut accommodée...

« L’on a fait une grande débauche chez Ovenair, avant-hier au soir : l’Electeur, le Prince, Bussch, le comte Schlitenbach, Konigsmarck et un appelé Simony en étoient, avec cinq filles de joie, dont deux étoient fort jolies ; mais j’ai montré la sagesse, car je n’ai rien fait que boire et manger. M. l’Electeur est un des plus agréables hommes dans ces sortes de débauches que j’ai vus de longtemps, et il vous railloit ces pauvres garces à les faire pleurer. Elles, qui ne le connoissoient pas, lui ont dit mille injures, cela a duré jusqu’à deux heures. Il n’est pas des plus vaillans... »


Dist, 6 novembre.

« ... J’ai fait une chanson en allemand sur ma belle, et comme à une fête je la chantois, beaucoup me la mandèrent ; je leur disois que la belle s’appeloit Léonisse ; ils m’ont tous conjuré de commencer leur santé par ce nom, et la chanson avec. Cela m’a mis un peu de bonne humeur, et je me soûlai avec eux ; pour trouver le vin plus agréable, je trouvai un vieux ruban rouge, bien sale, dans ma montre, lequel je leur fis avaler. Vous savez de qui ce ruban vient. Voilà le seul jour dans lequel j’ai trouvé un peu de joie depuis trois semaines... »


Entre temps, Konigsmarck prodigue ces conseils à la jeune femme :