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tout le clergé, il se trouva jeté après la chute de Charles X, lui fournit l’occasion de tenir l’engagement qu’il avait pris vis-à-vis de lui-même et, en le fortifiant dans ses convictions religieuses, lui donna peut-être une idée plus haute de ses droits de citoyen et de ses devoirs de Français. Ce fut aussi l’état d’âme de la plupart des hommes qui, pendant la tourmente, n’avaient pas désespéré de la victoire de l’Eglise : Lamennais avant sa défection, Lacordaire, Montalembert, Ravignan, Foisset, Cochin, Falloux, pour ne citer que les plus illustres. En ce qui touche Dupanloup, ces circonstances méritaient d’être rappelées, car elles ont contribué à rendre plus ardent son dévouement à l’Église, plus vives sa foi et l’énergie avec laquelle il l’a défendue.

Il était né le 3 janvier 1802 dans la Haute-Savoie. Naissance irrégulière, sa mère, quoique brave fille, ayant été odieusement séduite par un jeune ouvrier, son compatriote. Dans sa détresse, elle se confia à un de ses oncles, curé dans le pays, qui, courant au plus pressé, la fît admettre à l’hospice de Chambéry. Mais sur la route qu’elle suivait pour s’y rendre, elle fut prise des douleurs de l’enfantement et dut s’arrêter dans une pauvre auberge. C’est là, dans un village appelé Saint-Félix, que l’enfant vint au monde, si grêle et si faible qu’il a écrit plus tard : « Je suis né mourant. » Mais bientôt sa santé se raffermit et, convaincue qu’il vivrait, sa mère, malgré l’exiguïté de ses ressources, s’attacha, avec l’aide d’une parente plus fortunée qu’elle, à l’élever en vue d’un avenir moins humble que celui auquel sa naissance semblait le destiner.

Dans ce rôle, elle fut véritablement héroïque, et ceci explique l’amour filial dont, jusqu’au jour où elle mourut à un âge avancé, son fils paya l’admirable dévouement auquel il devait d’avoir vu s’ouvrir devant lui une carrière inespérée. En lisant dans le récit de M. Emile Faguet ce qu’il nous dit des relations du fils avec la mère et ce que Dupanloup lui-même a écrit en parlant d’elle, on ne peut se défendre d’évoquer le souvenir lointain de l’illustre évêque d’Hippone, saint Augustin, et de sa vénération pour cette Monique que sa tendresse de fils a immortalisée et que l’Eglise a canonisée. Mais Monique était l’épouse légitime d’un homme riche et considéré et l’instruction que, d’accord avec son mari, elle fit donner à leur fils était dans la nature des choses. Les sacrifices que dut s’imposer Mme Dupanloup