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que cite en entier M. Emile Faguet et dans laquelle, après avoir rappelé que, même « lorsque la nuit païenne couvrait la terre, les grands siècles littéraires avaient fait briller d’admirables clartés, » il s’écriait en évoquant le souvenir des écrivains anciens :

« Je puis et je dois déplorer l’abus qu’ils firent souvent de leurs hautes facultés. Mais je ne puis ni mépriser en eux, ni flétrir les dons du Créateur. Je ne me sens pas le courage de réprouver, d’avilir sous le nom de paganisme ce qui fut dans ces grands siècles le suprême effort de l’humanité déchue pour ressaisir le fil brisé des traditions anciennes et retrouver la lumière que Dieu y faisait encore briller comme un dernier et secourable reflet de sa vérité, afin de ne pas se laisser sans témoignage au milieu des nations et de montrer que la créature tombée n’était pas entièrement déshéritée des dons de son amour. Non, les vers que citait saint Paul à l’Aréopage n’étaient pas des vers païens ! »

La place me manque pour décrire plus longuement les actes de Mgr Dupanloup pendant la durée de son épiscopat ; je craindrais d’ailleurs, si je me livrais à ce travail, de déflorer le plaisir que goûteront les lecteurs en s’initiant, dans le livre de M. Emile Faguet, aux péripéties de cette grande existence. J’en veux cependant retenir un dernier trait, parce qu’il fait honneur d’une manière toute spéciale à la mémoire de l’évêque et qu’il met dans une brillante lumière son patriotisme.

A son arrivée dans la ville à laquelle le souvenir de Jeanne d’Arc reste tout particulièrement attaché, le culte de l’héroïque pucelle semblait quelque peu refroidi. Les fêtes qui naguère rappelaient son souvenir étaient délaissées. Mgr Dupanloup voulut les faire revivre et, pour embellir le cadre où elles seraient célébrées, il décora de verrières magnifiques relatant l’histoire de l’héroïne, sa cathédrale restaurée par ses soins. Sur la place où se déroule sa façade, se dressa la statue équestre de la libératrice et les fêtes en son honneur, réorganisées avec le caractère qu’elles ont gardé, reprirent tout leur éclat. Dans les manifestations qui, depuis, célèbrent chaque année sa mémoire, peut-être a-t-on un peu trop oublié la part considérable qu’a eue Mgr Dupanloup au rétablissement de ce culte patriotique. Il faut rendre hommage aux éloquentes paroles auxquelles, récemment encore, il donnait lieu ; mais il faut reconnaître aussi