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venir la pensée de m’esloigner de vous, puisque sans vous il m’est impossible de vivre et que vous faites toute ma joye et ma félicité... »


« Dimanche, à 1 heure après midi (9/19 juillet).

« Pourrai-je trouver des paroles pour vous bien marquer l’effet que vostre lettre charmante a fait dans mon cœur ? Non, il est impossible, et tout ce que je peux vous dire là-dessus est infiniment au-dessous de tout ce que je sens. Je viens encore de la lire, elle fera mon occupation toute la nuit. Le moyen de dormir, quand on est rempli de la plus violente passion du monde ! Tout ce que vous me dites de la vostre me met hors de moi-mesme. Jamais je ne vous ai si ardemment aimé, je vous adore, et quoi que je puisse faire pour vous, ce ne sera jamais autant que vous le méritez. Si les comtes de Steinbock [1] et de la Gardie sont encore où vous estes, et qu’ils aient le dessein de venir icy, je vous conjure de venir avec eux. C’est un prétexte raisonnable, et je ne crois pas que l’on puisse y trouver à redire. J’espère que, quand vous serez icy, l’amour nous aidera et que nous trouverons quelque moyen de nous voir. Il sera bien plus aisé quand vous y serez sans façon qu’autrement. Je mourrai si je n’ai pas la joye de vous embrasser, et si vous saviez l’estat où vostre absence me réduit, vous en auriez pitié. Je ne saurois vous parler d’autre chose, ce soir, que de l’excès de ma passion... Vous me faites bien justice d’estre persuadé de ma tendresse. J’espère vous en donner un jour de si fortes marques que vous connoitrez que rien au monde n’est pareil à l’attachement et à la passion que j’ay pour vous. Je me fais une joie si charmante du plaisir de vous voir, que je suis dans des transports incroyables. Préparez-vous à tous les emportemens et à toutes les ardeurs du monde, le plus tendre et le plus violent. Si vous venez, faites que je le sache, afin que l’excès de ma joye ne me trahisse point. Qu’elle sera extrême ! Si l’on en peut mourir, j’en mourrai. Oui, mon aimable enfant, ma passion est au point de ne pouvoir plus vivre sans vous, et je tremble qu’elle ne me fasse faire quelque extravagance dangereuse pour vous et pour moy.

« Que je vous aime d’estre aussi sensible que vous me le dites à la seule pensée que je puisse changer, et que cela me

  1. Chargé d’affaires de l’Empereur.