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chose, je vous aime, je vous adore. Cependant je ne vous vois point.

« Si l’on pouvoit mourir d’ennuy et de mélancolie, je serois morte. Depuis que je vous ai quitté je ne dors plus ; je passe les nuits entières à songer aux moyens de vous voir ; je n’en trouve point comme je les voudrois, cela me désespère...

« C’est un crime à ne pouvoir jamais effacer que celui de m’esloigner de vous, et je serois moins sensible si l’on en vouloit à ma vie ; vous m’estes plus cher mille fois, et sans vous je la compte pour rien ; elle ne fait que m’ennuyer en vostre absence... »


Konigsmarck ne renonce pas à l’espoir d’un nouveau rendez-vous avec la princesse. Il faut remarquer combien le fougueux Suédois apporte de prudence dans les entreprises qui pourraient la perdre irrémédiablement.


(14/24 juillet).

«... Je me fais une idée si charmante du plaisir de vous voir et je ne peux pas voir dans toutes vos lettres de quelle manière vous voulez que cela se fasse, car le comte Steinbock est parti. L’on parle de ma marche, il faut donc que cela soit incognito, mais avant que je puisse venir déguisé, il faut des instructions. La chose n’est pas aisée, et à moins d’estre bien informé, je pourrois faire un pas de clerc qui nous rouineroit (sic) entièrement...

« Vos deux lettres paraissent également tendres, cependant je trouve plus de sincérité dans l’une que dans l’autre ; dans l’une vostre cœur parle, dans l’autre ce n’est que vostre main qui écrit. »


A quoi la princesse, piquée, répond sur l’heure :


« Dimanche.

«... Je crois vous avoir donné assez de marques de ma sincérité pour pouvoir estre persuadé que je ne vous en manquerai jamais. Ayez-en autant pour moi que j’en ai eu et que j’en aurai toute ma vie pour vous, et je serai fort satisfaite.

« Je n’ose vous parler de ma tendresse, car vous croiriez peut-estre encore que ce n’est point mon cœur qui parle et que ce n’est que ma main qui escrit, et il est vrai que vous avez sujet de vous plaindre de ce pauvre cœur ; peut-estre que le trop