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de les promulguer, des troupes fidèles et bien disciplinées. » Si Charles X avait conservé la garde nationale de Paris et renvoyé Polignac, il serait encore dans cet appartement, et moi, bien plus heureux, bien plus tranquille surtout, dans mon Palais-Royal.

— Sans doute, dis-je au Roi, mais que le Roi me permette d’observer qu’il n’y avait pas plus de raison de renvoyer Polignac, qu’il n’y en avait eu pour le prendre, et je conçois parfaitement, dès qu’on l’avait choisi, qu’on ait voulu le garder et qu’on y ait mis de l’obstination.

— Vous avez très fort raison, cher comte Rodolphe, je veux seulement dire que Charles X aurait pu éviter bien des complications à la France et à l’Europe, s’il avait suivi mes conseils, et que tout ce qui se passe maintenant ne peut être mis à ma charge. Je connais la France et les Français mieux que qui que ce soit, je sais les prendre. Dernièrement, j’étais à Versailles, dont les habitans m’ont toujours témoigné beaucoup d’affection. Eh bien ! à Versailles, je m’étais arrêté en voiture et j’avais le chapeau bas. Voilà que deux jeunes gens assez maladroits s’approchent tout près de mon carrosse et, comme pour me narguer, enfoncent leur chapeau et me regardent d’un air assez malveillant. Alors, je mis mon chapeau et je leur fis comme cela : (le Roi fit ce mouvement de la main dont on se sert pour saluer un ami). Ils se regardèrent d’un air étonné, puis ils se mirent à rire et enfin à me tirer de grands coups de chapeau, des révérences et s’en allèrent en m’applaudissant. De la raideur de ma part les aurait irrités, tandis qu’en leur prouvant le ridicule de leur action et les confondant par ma bienveillance, ils sentirent leurs torts et s’en allèrent tout honteux. Le prince de Schönburg est tout étonné de me voir aussi solidement établi, il ne le croyait pas ; s’il vous demande de quelle manière j’y suis parvenu, vous le lui direz.


11 avril. — Je ne suis pas allé, ces jours-ci, dans ce qu’on appelle le monde. Je n’ai été que dans quelques salons où j’étais sûr de ne pas rencontrer beaucoup de personnes. Il fut encore question dernièrement parmi les carlistes, et Mme la duchesse de Gontaut à la tête, d’arranger un mariage entre le Duc d’Orléans et Mademoiselle [1]. A cet effet, une scène a été préparée de

  1. La fille du Duc et la Duchesse de Berry, qui épousa plus tard le duc régnant de Parme.