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Reine est visible, ce sera une grande consolation pour elle, consolation qu’elle mérite bien pour tout ce qu’elle a souffert ces jours derniers et depuis qu’elle a le malheur d’être sur le trône.


10 août. — L’auteur de l’attentat du 28 juillet s’appelle non pas Gérard, mais Fieschi ; il est Corse de naissance, a servi sous Murat en Sicile, a été envoyé plus tard aux galères pour vol, et c’est là, à ce qu’il paraît, qu’il a achevé son éducation de fourbe et d’escroc, qu’il a pratiqué le vice sous toutes les formes et qu’il se l’est approprié pour en faire son métier. M. de Montalivet et le ministre d’Argoult qui, tous les deux, ont assisté aux interrogatoires, m’ont assuré que Fieschi représentait dans sa personne tous les vices, tout l’égoïsme, toutes les imperfections, tous les défauts, toute la perversité de notre siècle. D’après M. de Montalivet, on n’a jamais vu plus de finesse, plus de calme, plus de résignation raisonnée, plus d’amour pour la vie, plus de présence d’esprit que dans les réponses qu’il fait, ni une plus profonde scélératesse ; c’est un homme qui parle de ses vices avec une espèce de satisfaction, il est fier d’être parvenu à ce degré de perversité.

Dans les commencemens, on a cru prudent et utile, pour parvenir à découvrir ses complices, de lui cacher tout le mal que sa machine infernale a fait ; on lui disait, contrairement à la vérité, qu’il n’y avait pas eu de victimes, il en éprouvait une grande satisfaction, espérant ainsi recouvrer sa liberté ; mais un des chirurgiens, en levant l’appareil de sa blessure, lui apprit le résultat de son forfait. Il n’a pas été trop affecté de cette révélation et s’est borné à dire que s’il y a eu des morts et des blessés, c’est que ces malheureux avaient eu le tort de ne pas rester chez eux. Toutefois, dès ce moment, il a entièrement changé son système de défense ; si dans les commencemens il ne voulait pas nommer ses complices, c’était bien plus par vanité, voulant s’attribuer à lui seul le mérite de l’invention de sa monstrueuse machine infernale. Aujourd’hui qu’il s’agit de sa tête, il ne veut pas davantage les nommer, mais il ne nie pas en avoir.

Le procureur général, ne pouvant croire qu’un homme fût capable d’un crime aussi épouvantable sans une exaltation quelconque, avait dirigé son interrogatoire dans Ce sens, il demandait