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« attendu que ceux-ci ne peuvent s’effectuer pleinement qu’en temps de paix, et que l’œuvre de colonisation doit se trouver achevée avant que se produise la guerre inévitable de l’Allemagne contre le monde slave. » D’où la nécessité d’accroître considérablement les fonds destinés à la germanisation, d’étendre celle-ci aux régions polonaises de la Silésie et de la Prusse Orientale, mais surtout d’accorder au gouvernement la faculté d’exproprier à son gré des terrains appartenant à des maîtres polonais, pour les confier désormais aux mains de maîtres allemands.


« A l’exception du passage qui concerne la politique scolaire, — ajoute en terminant M. Burek, — il n’y a pas une seule des mesures proposées par le professeur Hasse qui n’ait été adoptée et rigoureusement appliquée par le gouvernement prussien. » Avec une « rigueur » sans cesse renforcée depuis un quart de siècle, ce gouvernement monstrueux a poursuivi, dans ses provinces polonaises, les deux modes parallèles de son plan « bismarckien » de « germanisation, » qui consiste, d’un côté, à « rendre la vie impossible » aux indigènes polonais, tandis qu’on ne négligeait rien, d’autre part, pour la « rendre agréable » aux colons allemands importés en leur place. Tout ce qu’on vient de lire touchant l’interdiction aux Polonais, — aux libres citoyens polonais de l’Allemagne, — de « se mêler jamais d’aucune fonction nationale ou communale, » de parler publiquement leur langue, voire de « se sentir chez soi » dans leur propre pays, toutes ces choses qui nous paraissent incroyables sont devenues, là-bas, d’une réalité si banale que nul ne songe plus à s’en étonner. Ouvertement, l’autorité prussienne a installé dans toute la Posnanie un sûr et savant appareil d’extermination. Du haut en bas de l’échelle administrative, c’est comme si chacun de ses fonctionnaires portait écrite, sur sa casquette, sa mission officielle de « travailler par tous moyens à éliminer l’élément polonais. » Et que l’on imagine l’atmosphère intellectuelle et morale qui doit fatalement résulter, pour une nation, de la présence continuelle d’une pareille menace au-dessus de sa tête !

Sans compter que, d’année en année, et presque de jour en jour, l’impatience haineuse des « germanisateurs » les amène à rejeter plus effrontément « tout scrupule de légalité, comme aussi de morale. » Pour m’en tenir à un seul exemple, on sait que le gouvernement prussien a obtenu du Landtag, il y a quelques années, la scandaleuse « faculté d’expropriation » que réclamait naguère le professeur de Leipzig. Il n’a plus suffi désormais à la Prusse d’attendre que la vie fût « devenue impossible » aux Polonais indigènes : lorsque l’un de ceux-ci a fait mine de vouloir persévérer dans sa résistance, — ou